(dossier réalisé par le groupe, non daté, probablement du début des années 80)
Introduction
Brabants Volksorkest est le nom d'un ensemble instrumental qui a comme répertoire la musique traditionnelle d'anciens ménétriers et orchestres populaires de la région brabançonne (centre de la Belgique). Cet ensemble se compose de neuf musiciens du centre du Brabant: Christel Borghlevens (Rotselaar), Christine Naessens (Herent), Gabrielle Wauters (Winksele), Ghislain Wauters (Winksele), Gaby Boone (Kampenhout), Jos Debraekeleer (Sint-Joris-Weert), Egide Vissenaekens (Winksele), Rik Boone (Nederokkerzeel) et Hubrt Boone (Nederokkerzeel).
Les instruments du groupe sont : cornemuse (2 musiciens), violon (4 musiciens), contrebasse, clarinette, accordéon diatonique, accordéon chromatique, fûte traversière (2 musiciens), épinette (zither brabançonne) et cornet à piston.
La fondation de l'ensemble tire son origine d'un groupement de musiciens ayant joué ensemble pendant des années, à diverses occassions. Plusieurs de ces musiciens ont participé non seulement à des activités en Belgique mais également à l'étranger ( individuellement ) : Sicile, Bulgarie, Suède, USA, Tchéchoslovaquie, Autriche, etc..
Depuis sa création en novembre 1978 le Brabants Volksorkest a participé à différents festivals : Strakonice (Tchéchoslovaquie), Le Veurdre (France), Saint-Dié (France), Scheidegg (DBR) etc...
En 1980 le groupe a représenté la Belgique au festival de Skagen (Danemark). En 1981 il a participé au grand festival de Lorient (Bretagne-France) et au festival d'été de Québec (Canada).
Le Brabants Volksorkest a réalisé deux disques L.P. :
- musique populaire du Brabant , Alpha 5028 (en 1980)
- musique populaire du Brabant et de la Campine (Philips 6468 063)
Pour ce dernier enregistrement, l'ensemble a reçu le prix de la lyre d'argent (Paris).
Etude
Il va de soi que le choix des instruments et la composition du programme, l'acquisition de la technique du jeu traditionnel et le jeu d'ensemble résultent d'une recherche de plusieurs années.
Les membres les plus anciens ont, depuis les années 1968, de très bonnes relations avec les derniers musiciens traditionnels de la région brabançonne, spécialement avec les anciens joueurs d'épinette, les cornettistes, les violonistes, les clarinettistes et accordéonistes.
En 1971 deux membres de l'orchestre (Egide Vissenaekens et Hubert Boone) ont composé un disque de musique instrumentale authentique, exécutée uniquement par de vieux ménétriers brabançons.
Plusieurs musiciens du Brabants Volksorkest sont invités régulièrement à donner des stages de musique traditionnelle.
Le chef du groupe, en 1968 lauréat de la Fondation Vocation Belge pour son travail important concernant notre musique populaire est attaché scientifique au Musée Instrumental de Bruxelles. Il a publié plusieurs travaux traitant des instruments populaires de Belgique. Citons e.a. De Hommel in de Lage Landen (l'épinette aux Pays-Bas) en 1976, 190 pages.
En 1978 il a succédé à l'ethnomusicologue Paul Collaer, comme membre de la Commission Royale de folklore (section flamande).
LE REPERTOIRE
Le répertoire du "Brabants Volksorkest" comprend principalement des airs de danse de ménétriers et d'orchestres populaires brabançons du 19ème et du 20ème siècle.
Nous y retrouvons non seulement de très anciennes mélodies traditionnelles, mais aussi des variantes locales de danses à la mode des 18e et 19 siècles.
Les anciennes mélodies modales,pouvant remonter jusqu'au Moyen-Age, ne furent pas jouées souvent par nos musiciens du 19e siècle.
Cependant plusieurs airs du mode dorien (selon la classification de Glareanus), tels que la magnifique Bezemdans (Danse du Balai) de Pulle.
Un petit nombre de mélodies ont été établies dans le mode lydien, ainsi "Nathan" de Mol.
On retrouve également des mélodies hybrides, telles que Sint-Krispijn (Saint-Crépin), un air qui fut souvent joué lors d'Ommegangs.
Dans certains airs, le mode est difficile à définir, comme dans la remarquable Steltendans (Danse aux échasses) de Zoerle - Parwijs.
Entre 1965 et 1975, le chef de l'orchestre a eu la possibilité de se rendre auprès des plus vieux musiciens régionaux et de rassembler ainsi différentes mélodies.
Certaines de ces mélodies ont des tournures tonales et modales, comme par exemple la Bezemdans (Danse du Balai) de Winksele - Delle.
Les airs populaires sont, eux aussi, typiques de leur époque, et il est évident que leur style a souvent été influencé par la musique savante. Ceci est le plus frappant dans les mélodies de la fin du 18me et du début du 19me siècle, entre autres les quadrilles brabançons les plus anciens : leur style musical procède des contredanses classiques. Dans le répertoire du 19me siècle apparaissent encore d'autres caractéristiques, parfois très étonnantes. Ainsi plusieurs valses, polkas et scottish ont une forme assez développée, souvent construite sur 3 thèmes principaux et, la plupart du temps, dans l'ordre suivant : AA - BB - A - CC / AA - BB - A - CC / A. De telles mélodies peuvent durer 3 à 4 minutes. Les séquences possibles des modulations sont également très typiques; ainsi le thème - B est souvent dans le ton relatif mineur du thème - A.
Mais il y a évidemment encore d'autres éléments. Saviez-vous par exemple que les orchestres brabançons maniaient avec habileté les effets de nuances, le jeu polyphonique, accompagnaient leurs mélodies, à contretemps et adaptaient une technique de "question-réponse".
Toutes ces données ont été discutées et étudiées par les membres du "Brabants Volksorkest" et par des musiciens régionaux.
Dans le large éventail de leur programme vous trouverez des danses de balais, des quadrilles, roues à moulin, des danses aux échasses, des promenades, des marches, des polkas de 3 types différents, des redovas, des ostendaises, des mazurkas, des schottiches, des valses rapides et plus lentes, etc ... etc ...
LES INSTRUMENTS DU "BRABANTS VOLKSORKEST"
Les instruments du "Brabants Volksorkest" sont les instruments dont se servaient les ménétriers et orchestres populaires brabançons des 18ème et 19ème siècles. On y distingue deux groupes :
1° Parmi les instruments classiques que la musique populaire de l'Europe occidentale s'est appropriés depuis des siècles, on retrouve la flûte traversière, le violon, la contrebasse et quelquefois la flûte à bec.
La flûte traversière, en usage dans la musique populaire depuis le seizième siècle, était en vogue surtout aux 18ème et 19ème siècles. Durant ces périodes, on connut d'ailleurs en Brabant des facteurs de flûtes de grand renom : Tuerlinckx et Steegmans à Mechelen (Malines), Rottenburg et Lebrun à Bruxelles.
Plusieurs mélodies notées au début du 20ème siècle par le folkloriste campinois Theopiel Peeters lui furent jouées sur la flûte traversière, comme par exemple la Bezemdans (Danse du Balai) de Pulle.
Déjà au 17ème siècle, on retrouve le violon dans notre musique populaire et la combinaison violon-contrebasse (ou violoncelle) était très populaire au 19ème siècle. Quoique la musique de violon fut très développée dans les Ardennes wallonnes, on connaît également des exemples intéressants pour la région brabançonne. Il va de soi qu'au programme du "Brabants Volksorkest" se retrouvent quelques mélodies typiques pour violon, comme de Wandeling (la Promenade) de Winksele - Delle et le Bonjour d'Humelgem, hameau de Steenokkerzeel.
Remarquez dans cette mélodie les sauts d'octaves et d'autres caractéristiques du style de violon comme le staccato. D'autre part, le fait que nos violonistes faisaient résonner une corde à vide comme bourdon était inhérent au style.
Quant à l'accompagnement de la contrebasse, le style en est très simple et traditionnel. Le bassiste donne essentiellement la fondamentale des accords du ler, 2ème, 4ème ou 5ème degré du mode.
Le Brabants Volksorkest fait également appel à la clarinette et au cornet à pistons. Ces deux instruments étaient très appréciés dans notre musique populaire, la clarinette déjà à la fin du 18ème siècle, le cornet après 1835-40.
Au programme, on trouve plusieurs mélodies propres à ces deux instruments. Caractéristiques pour la clarinette sont, par exemple, les gammes, les trilles et les formules avec arpèges, que l'on retrouve régulièrement dans les polkas et les figures de quadrille. (Ex. 2 et 3).
Comme jeune garçon, le cornettiste du groupe apprit plusieurs polkas, mazurkas, rédowas et autres mélodies d'anciens cornettistes et joueurs de bugle du centre du Brabant. Ces mélodies sont parsemées de mordants, de coups de langue ternaires et d'autres formules; parfois ces melodies sont tellement développées que ce sont de vrais numéros de virtuosité comme, par exemple, une polka pour cornet et clarinette d'Erps-Kwerps.
2° La cornemuse, l'épinette (ou bûche) et l'accordéon diatonique sont les instruments populaires traditionnels typiques du Brabants Volksorkest. Dans les régions flamandes, la cornemuse disparut - à quelques exceptions près - avant la fin du 19ème siècle. Mais depuis 1969-70, cet instrument connaît une renaissance importante dans tout le pays; la reconstruction se fait, le plus souvent, sur des bases scientifiques.
La cornemuse brabançonne de notre groupe, dont la dénomination régionale est Moezelzak ou Pijpzak, a un chalumeau conique long de +ou- 58 cm pourvu de 7 trous pour les doigts et un trou pour le pouce; il est également pourvu d'une anche double.
Deux bourdons parallèles accordés en quinte se posent sur l'épaule gauche. Ces bourdons cylindriques sont pourvus d'une anche simple. Comme tous les modèles de cornemuses belges, cet instrument se joue avec la bouche et non pas à l'aide d'un soufflet, comme c'est le cas dans certaines régions de France et d'Allemagne.
Le vibrato, dans les mélodies lentes, et certaines fioritures, comme la répétition fréquente de la fondamentale, sont caractéristiques du style de l'instrument.
La cornemuse brabançonne doit son timbre chaud à son diapason grave. Dans notre groupe, la cornemuse s'accompagne essentiellement de la flûte traversière et du violon, ou du violon et de la contrebasse.
Un autre instrument populaire caractéristique est l'épinette dénommée Vlier au centre du Brabant, Pinet, Klompviool, Blokviool ou Krabkas ailleurs. Il s'agit d'un type de cithare primitive rectangulaire. La table est munie d'une série de frettes, qui, pour la plupart, représentent une gamme diatonique avec un demi-ton ajouté. Par-dessus ces frettes sont tendues 4 à 5 cordes mélodiques. Au moyen d'un bâtonnet rond, tenu par la main gauche, on pousse les cordes sur le frette désirée. En général, l'épinette possède également 4 cordes d'accompagnement, accordées à l'unisson ou à l'accord voulu.
Dans la partie orientale du Brabant, on trouve cependant un type beaucoup plus développé avec 3 séries de 4 cordes accordées, par exemple, à l'accord parfait de sol, do et ré; d'autres manières d'accorder sont également connues. Les cordes sont toujours pincées au moyen d'un plectre. L'épinette était déjà connue dans les régions flamandes au 17ème siècle, et entre les années 1900 et 1930, cet instrument connut une renaissance remarquable.
Il est important de noter que c'est auprès de vieux de hommel brabançons qu'un certain nombre de musiciens de l'orchestre ont appris différentes mélodies.
On remarquera aussi que la rythmique des mélodies pour de hommel se réduit le plus souvent à des formules consacrées.
Les premiers accordéons diatoniques furent importés d'Allemagne et de France entre 1830 et 1840. A partir de 1875 surgirent ici et là, dans notre pays, de petits ateliers où ces instruments furent construits ou partiellement montés. Les monteurs achetaient les pièces en France, en Allemagne et en Italie, et donnaient un cachet propre à leurs instruments.
L'atelier le plus réputé fut celui de la famille Callewaert à Lichtervelde, en Flandre Occidentale. Dans le Brabant, relevons les noms des ateliers de Scheerlinck, Solari et De Waele à Bruxelles, Meulemans à Berchem, Van Roten à Mol-Millegem et de Eekels à Vught, de l'autre côté de la frontière des Pays-Bas. Le Brabants Volksorkest joue d'un exemplaire magnifique de ce dernier facteur.
La caractéristique de l'accordéon diatonique est que, selon que l'on tire ou que l'on pousse, chaque touche produit deux sons différents. A droite se trouvent les touches mélodiques, à gauche une rangée de cuillers basses, celles du dessous donnant la tonique, celles du dessus un accord.
L'accordéon diatonique fut généralement appelé Trekorgel, Trekzak ou Tienbasser, en Brabant. Dans le Hageland et la Campine du Sud, on le trouve sous la dénomination caractéristique de Troet.
Dans certains cas, pour certaines musiques de circonstance, le Brabants Volksorkest emploie encore quelques instruments primitifs : le Rommelpot, les Cliquettes, et le Springbas : un simple bâton auquel des sonnailles sont fixées par des cordes métalliques et qu'un bâton dentelé met en vibration.