CF 123 (décembre 1993)
C'est donc ce dernier week-end de novembre qu'un raz-de-marée de folkeux a déferlé sur le centre de vacances du hameau ardennais. N'y avait-il pas cinq cents personnes le samedi soir ? Cinq cents personnes dont une bonne part, au fil des stages ou des rencontres en "touristes", a fini par tisser des liens amicaux qui sont un peu plus solides qu'une simple poignée de main (même si certains ont la pince plutôt énergique).
C'était bien sûr le dixième anniversaire de ces stages organisés par une équipe qui semble increvable (malgré quelques soupirs bien compréhensibles). C'était en même temps la deuxième édition d'une initiative de Walter Lenders et Philippe Luyten destinée à rendre plus populaires les musiques et danses wallonnes. De quoi justifier un mini sondage auprès de quelques lecteurs ...
Voici donc ce que ces folkeux et folkeuses, musiciens et danseurs nous ont dit.
Des spectacles super
Une constante : les gens ont fort apprécié les danses wallonnes des Pas d'la Yau et le spectacle "Coquineries" pour enfants d'Yvette Berger.
Même ceux qui n'aiment habituellement pas les spectacles de danses traditionnelles ont fini par être séduits par l'excellent niveau des danseurs et la qualité de la chorégraphie de Marc Malempré. Yvette Berger, elle, a agréablement étonné, par son dynamisme et son originalité, ceux qui ne la connaissaient que par son disque ou simplement pas du tout, en accrochant facilement les enfants présents.
Trois soirées en une
Pouvoir naviguer à l'envi entre la grande salle où se déroulait le bal wallon, la salle du bas où officiaient les habituels ateliers (dont Jean-Michel Corgeron jouant des danses berrichonnes) et l'ambiance plus intime du petit bar est un luxe que Borzée ne peut s'offrir souvent. Les mouvements du public avaient d'ailleurs parfois - guère longtemps - pour conséquence que la grande salle était moins remplie.
Dans le petit bar se trouvaient à un moment une dizaine de guitaristes en train de jouer autour d'une table (pas sur le podium); Stéphane Martini y a donné un petit récital très apprécié. On y a aussi entendu du blues. C'était un lieu de rencontre pour musiciens, chaleureux, à mille lieues des sensations qu'éprouveraient certains en jouant sur le podium de la grande salle devant un public de connaisseurs. Un bar que beaucoup espèrent revoir lors de prochains stages.
Le bal wallon
Là, les sentiments sont divers. Une impression d'originalité semble se dégager, mais pour des raisons différentes. Les uns trouvent que c'était original car wallon. D'autres invoquent le fait que des musiciens des groupes (tous deux incomplets) des Macloteus et de Trivelin jouaient ensemble. D'autres encore pointent les styles fort différents des animateurs (ou maîtres à danser) et le choix recherché des danses.
Plusieurs regrettent le temps parfois trop long consacré aux explications (on cite de 10 à 15 minutes : est-ce bien vrai ?), qui sont pourtant nécessaires pour les danses à figures. A certains moments, cela devenait un mini-stage, a-t-on dit, et non un bal enthousiaste. D'où une suggestion, certes pas nouvelle, de simplifier les chorégraphies.
Les airs tirés du Jamin, joués par Rue du Village, ont retenu l'attention. Mais certains trouvent que c'étaient un peu toujours les mêmes musiciens qui jouaient. C'est vrai que peu de groupes avaient répondu à l'appel, et que certains musiciens n'osent pas forcément jouer sur le podium de Borzée.
Enfin, certains trouvaient que la sono était trop bruyante.
St Nicolas, le hérault et la soupe
Si l'ambiance à Borzée était particulièrement chaleureuse, c'était aussi grâce à une série de petits détails que les organisateurs se sont donné la peine d'imaginer.
Outre le Saint Nicolas qui est passé dans les ateliers d'enfants, on retiendra le hérault en costume qui annonçait les activités avec un entrain tout professionnel et qui faisait remarquer d'une manière aussi humoristique qu'efficace, à la cafétaria, que le stage venait de commencer.
Il y avait aussi, le samedi soir, la grosse boîte sur roulettes dans laquelle se cachait un tout jeune et talentueux accordéoniste, suivie d'une ribambelle d'enfants déguisés. Une manière de dire que la relève est assurée ?
Il y a eu un bal le vendredi soir au bar, chose qui devenait rare ces derniers temps.
Et il y avait, le samedi soir à l'autre bar, de la soupe à l'oignon. C'est bon, la soupe à l'oignon. Non seulement c'est plein de vitamines, mais c'est chaud, goûteux, voluptueux, ça requinque. De quoi remettre en forme après un petit coup de pompe. Etonnez-vous donc qu'à trois heures du matin, quand Paul Spinoit a coupé le jus (c'est vrai qu'on vient pour un stage, pas rien que pour une soirée), il y avait encore énormément de gens qui dansaient et jouaient. Et qui demandaient qu'il y ait de la soupe à l'oignon lors des prochains stages !
Les stages
Peu de choses à dire sur les stages eux-mêmes, sinon qu'ils avaient tous lieu. Certains ont bien dit qu'ils auraient pu être plus originaux, mais il y avait quand même la musique de Noël à la cornemuse d'Albert Caussin qui a recueilli un beau succès, et puis on ne peut pas tout demander à la fois ...
C'est vrai aussi qu'il n'y a pas assez de stages pour les gens avancés, mais c'est une caractéristique générale de Borzée depuis quelques années. Ce qui a marché à la cornemuse serait valable pour la vielle et d'autres instruments.
Les absents
On a dit que peu de groupes de musique avaient répondu à l'appel du bal wallon. Voici donc mon avis, moi qui fais partie du groupe Aspérule Odorante et qui ne suis pas venu.
Tout d'abord, c'est bête à dire, mais Borzée, c'est loin de Bruxelles. Surtout avec trois gosses qui se chamaillent dans la voiture pendant tout le trajet.
Accessoirement, on peut dire que le groupe n'a actuellement pas d'animateur en danses, et donc qu'il n'était pas certain (quoique ... ) que certains morceaux puissent être dansés.
Plus sérieusement, nous avons réagi, nous aussi, à la demande de jouer plus de répertoire wallon. En vue de participer à un bal wallon (tel que Borzée ... ), nous avons mis à notre répertoire quelques airs wallons, dont une contredanse et ... deux cramignons.
J'ai l'impression (dites-moi si je me trompe) qu'on ne danse plus de cramignons. Vous savez, ces farandoles chantées si populaires jadis dans la région liégeoise notamment, et souvent formées de trois phrases musicales. Il y a une dizaine d'années, le groupe Nam en jouait durant tout un bal à Louvain-la-Neuve; ce n'était pas garanti traditionnel, mais c'était varié et enthousiaste.
Y a-t-il encore des gens qui veulent faire danser des cramignons ? Les considère-t-on (les cramignons, pas les gens) conune trop simples, ou a-t-on peur de danser d'une manière qui, par ignorance, ne serait peut-être pas traditionnelle ?
Même l'appel à cette deuxième rencontre wallonne m'a laissé perplexe : on y parle de danses de différentes parties de la Wallonie (mais pas de Liège) et de chansons de Liège. Pourquoi pas de danses chantées de Liège ?
Ceci dit, j'ai toujours la ferme intention de participer à la prochaine séance. En espérant qu'on finisse non seulement par retrouver le goût de certaines danses wallonnes, mais aussi le sens de la fête. Une fête qui va de pair, me semble-t-il, avec au moins l'un des 204 cramignons présents dans le recueil de Terry et Chaumont.
Et enfin ...
Faut-il encore souligner l'importance du travail éprouvant que réalise l'équipe bâtie autour de Luc Larue, Michelle Wamier, Andrée Grandville et Paul Spinoit ? On ne peut que leur souhaiter de continuer à trouver autant d'enthousiasme (et d'aide) pour les dix prochaines années.
M. Bauduin