CF 201 (février 2001)
Dans le Canard Folk de janvier, deux articles m'ont interpellée : l'interview du copain Jacky et l'éditorial.
Je vous livre les réflexions provoquées par cette lecture, réflexions issues de 15 ans de pratique d'animation culturelle en milieu folk (je ne parle pas des cinq autres années en milieu rural, scolaire et centres de jeunesse).
Pour moi, le concert de Viridel à Alleur est un très bon souvenir de musique traditionnelle. Sans doute parce que mes oreilles éclectiques apprécient plus ce genre de musique que le folk pur et dur. Malheureusement, ce n'est pas le cas de tout le monde. La musique traditionnelle "hors normes", Rif'zans l'fièsse a essayé de la programmer régulièrement sous la formule concert + bal mais le public folk n'a pas vraiment suivi. Ce qui est une des difficultés rencontrées en tant qu'organisateur folk.
Rif'zans l'fièsse a connu il y a quatre ans des problèmes de trésorerie principalement pour deux raisons : le manque de public et le manque de subsides. Le manque de subsides a été résolu en devenant membre du centre culturel d'Ans car, en Communauté Française de Belgique, les demandes de subsides doivent être introduites par un organisme reconnu (centre culturel ou autre). A signaler que ce faisant nous pompons dans le quota alloué à l'organisme reconnu qui doit donc limiter ses propres activités subsidiables.
Le manque de public, lui, n'a pas beaucoup évolué. Viridel a attiré 75 personnes, Carte Blanche 106 personnes et un très bon groupe comme Orion 160 personnes. En tant qu'organisateur, même avec des prix d'ami concédés par les artistes ou des subsides, ce n'est pas rentable à long terme. En bons gestionnaires, nous avons dû nous résoudre à programmer quatre simples bals sur les cinq activités de la saison 2000 - 2001. Je pense même que les concerts ne peuvent être programmés qu'en étroite collaboration avec le centre culturel comme le spectacle de Robert Amyot qui clôturera une semaine québécoise. Cette politique permet d'ouvrir le folk à un autre public, non folkeux, qui vient heureusement grossir les rangs et permettre l'équilibre budgétaire.
Le choix de compléter la soirée par un bal (Trivelin dans le cas de Robert Amyot) semble l'idéal dans l'absolu. Les folkeux et non folkeux peuvent se rencontrer, sympathiser et in fine entrer en symbiose. Mais cela coûte plus cher et encore faudrait-il aussi que la réputée convivialité du milieu folk opère en accueillant "les autres". Ce qui n'est pas toujours le cas lorsque les non folkeux sont jugés trop nombreux : l'instinct grégaire prend alors le dessus. Difficile équilibre à trouver car l'organisateur a peu de pouvoir sur la parité folkeux - non folkeux au sein du public.
En Province de Liège, les centres culturels programment de la musique traditionnelle. Que ce soient de grosses pointures comme Alan Stivell au centre culturel de Seraing, des musiciens de la région comme Viridel au centre culturel de Dison, des groupes wallons comme Trivelin au centre culturel d'Eupen ou bruxellois comme Krupnik au centre culturel de Chênée. Dison et Ans collaborent avec nous pour leur programmation (cf. tournée Amyot). A Liège même, le centre interculturel Agora programme également du trad régulièrement, ce qui est une bonne chose. Par contre, la collaboration est nulle, ce qui est nettement moins bon : Orion a été programmé des deux côtés à un mois d'intervalle.
Ceci dit, les centres culturels choisissent essentiellement des groupes formés en asbl et donc subsidiables. Contrairement à la BAM et à Rif'zans l'fièsse qui "panachent" à leurs risques et périls, tant du point de vue financier qu'en cas de contrôle administratif. Et là est le principal problème du milieu musical traditionnel en Wallonie. Le refus des groupes de s'institutionnaliser un minimum a pour résultat de tourner en vase clos, en ne faisant surtout pas de publicité extérieure ! La promotion de la musique traditionnelle dans ces conditions est forcément des plus restreinte. Et il ne faut pas alors se plaindre que les groupes traditionnels soient ignorés par les centres culturels.
Dernier gros problème de Rif'zans l'fièsse : le manque de bénévoles, ces fous qui ont l'inconscience de donner du temps et de l'énergie pour les autres. Le bénévolat n'est plus à la mode, c'est malheureusement un fait constaté dans tout le monde associatif. Actuellement, les finances de Rif'zans l'fièsse vont nettement mieux même si ce n'est pas le Pérou. Par contre, le manque de relève se fait cruellement sentir et ce sera la raison principale si l'asbl disparaît dans les prochains mois. Les "vieux briscards", après quinze ans de bons et loyaux services, connaissent une méchante lassitude d'où cinq activités au lieu de dix cette saison. Au sein du comité (organe de gestion et de décision), après deux ans d'appels à l'aide tous azimuths, Raymond Penneman nous a rejoint et en veut vraiment. Chouette ! mais trop peu ... Deux nouvelles têtes actives en plus ne seraient pas de trop. Et vite !
Voilà où nous en sommes en tant qu'organisateur folk en Wallonie : manque de bras, manque de public, difficultés de programmation. Reste à espérer que les choses évoluent rapidement dans le bon sens ...
Anne Mathurin