CF237 (mai 2004)


Bal folk et Boombal en Flandre


Le trimestriel Danskrant (www. danskant. be) publiait dans son numéro de printemps un article de Kor Vanistendael qui niest pas sans rappeler une récente discussion dans Trad Magazine sur le bal folk et le néo-bal. Peut-on danser n'importe quoi n'importe comment dans un bal folk ? N'est-ce qu'une question d'appellation ? Entre la fête vraiment traditionnelle ou les spectacles de danse et le bal folk, la marge est nettement plus grande qu'entre le bal folk et le néo-bal (ou boombal). Et il est indéniable que les boombals rencontrent du succès en Flandre, où ils se multiplient. Voyons ce que Kor Vanistendael raconte de l'historique du boombal et du bal folk (traduction M.B.).

M. B.

 

Introduction

Le bal folk est la version "soirée dansante" de la soirée de danses traditionnelles. Née dans l'après-mai 68, cette forme de danse est actuellement très vivante et attire plus que jamais les jeunes. Grâce à une combinaison de plusieurs facteurs : mise en route rapide, musiciens de bon niveau qui produisent une musique attirante avec pas trop de décibels et une bonne dose de convivialité, ce genre a pris une bonne option sur l'avenir. La popularité du Boombal qui naquit voici trois ans sous l'impulsion de l'accordéoniste Wim Claeys à Gand et qui s'étend comme une tache d'huile à travers la Flandre, est aujourd'hui un modèle pour de nombreuses initiatives locales. Mais, comme un conte, cette histoire a aussi sa pré-histoire, un contexte et des caractéristiques que je vais éclairer brièvement dans cet article.

 

Brève histoire du bal folk en Flandre

Lorsqu'après la seconde guerre quelques jeunes hommes barbus et jeunes femmes en longues jupes redécouvrent la musique traditionnelle dans nos régions, ils veulent dès le début pouvoir s'en servir pour faire la fête. Et comment mieux faire la fête qu'en dansant ? Certains de ces soixante-huitards apprennent à danser dans des compagnies locales de danse ou de folklore, l'un ou l'autre suit même des leçons de danse et apprend, à côté de la valse, nécessairement le foxtrot et le tango. Dès le début, il est clair que ces gens veulent atteindre avec leur musique autre chose que ce que les sociétés de danse ou de folklore apportent.

 

La danse traditionnelle en Flandre est à ce moment grosso modo divisée en deux camps artistiques. D'un côté on trouve des sociétés costumées qui veulent évoquer sur scène par des chorégraphies la vie quotidienne du peuple. En général, ces associations se considèrent comme les gardiens du trésor de certaines valeurs culturelles ou du "folklore", la connaissance et l'art du "peuple". C'est pourquoi elles se profilent volontiers comme des associations culturelles pour lesquelles la danse n'est qu'une des activités.

 

De l'autre côté, on trouve le mouvement de Huig Hofman et de "sa" Volksdanscentrale voor Vlaanderen (V.D.C.V - aujourd'hui Danskant) qui voient dans la danse traditionnelle un moyen d'améliorer le sens de la communauté, le goût de la beauté et la joie de vivre. Ils ont des liens historiques avec des associations touristiques, la centrale des auberges de jeunesse et quelques clubs de gymnastique. Ils mettent en avant l'expression corporelle en groupe et veulent avant tout être modernes. Peu après leur naissance (juste après la première guerre), il s'agit d'une attitude de vie saine (abstinence totale, parfois aussi végétarisme) et d'une libre fréquentation de jeunes garçons et filles. Après la seconde guerre, leur mission devient plus sociale, et des phénomènes tels que les danses pour handicapés, pour enfants ou pour seniors apparaissent. Parce qu'ils ont un projet social, ils cherchent à rejoindre l'enseignement via les cours d'éducation physique. Pour eux, la danse traditionnelle est si possible enrobée dans une tradition mais, dans une vision moins stricte de la chose, ils cherchent assez vite à rejoindre un répertoire international ou d'autres formes de danse pour amateurs telles que l'expression corporelle libre, la streetdance, bodypercussion, etc. Les costumes et la mise en scène ne sont pas à l'ordre du jour, car ils gêneraient la spontanéité de la danse.

 

Les folkeux

Les gars et les filles en musique traditionnelle le voient de manière encore différente. Leur approche, c'est le vécu musical et l'évocation de ce qui s'appelle selon eux "musique populaire traditionnelle". Ils mettent aussi en avant la spontanéité du jeu musical, mais surtout en jouant eux-mêmes cette musique, en chantant ou en construisant des instruments. La danse pointe certes aussi le nez dans leurs activités car, comme ils le constatent, la musique étaient jadis souvent jouée pour la danse.

 

Sous l'impulsion du revival folk américain puis irlandais, ils vont eux-mêmes à la recherche de vieux chanteurs et musiciens, un enregistreur dans leur sacoche de vélo, cornemuse ou accordéon sur l'épaule. Et ils trouvent. A côté de nombreux chanteurs, il semble surtout exister des accordéonistes et des joueurs d'épinette qui à l'époque animaient des bals populaires. Dans les kermesses et les fêtes populaires on dansait alors la scottische, la mazurka, la valse, la polka, la Wandeling, Jan Smed, Mieke Stout, des quadrilles, le Streep, etc. Que cela ne représente pas un répertoire traditionnel mais bien des danses de salon du 19e, cela on ne s'en était initialement pas rendu compte. Les informateurs et leurs danses rayonnaient d'une manière authentiquement populaire, sans commerce, sans coca-cola et sans jukebox. Le revival folk est un enfant de son temps : un mouvement d'opposition, contre la banalisation, contre l'uniformisation de tout et de tous.

 

Et maintenant, dansons !

Parce que la jeunesse des années 60 ne connaît plus ce répertoire de danses, le-mouvement de nrersique traditionnelle crée ses propres groupes de danse : De Vlier (1967), Sint Maartensgilde (1973) et il organise des stages où les danses sont enseignées par des maîtres à danser comme Renaat Van Craenenbroeck, Claude et Lou Flagel, Marc Malempré, Hubert Boone, etc. Comme les danseurs de la Volksdanscentrale voor Vlaanderen (maintenant Danskant), ils préfèrent

 

danser sans costume. La spontanéité avant tout. Les musiciens se trouvent sur le podium à la place des danseurs. Ils y évoquent la musique traditionnelle vivante avec épinettes, dulcimers, vielles, cornemuses et accordéons diatoniques en bois. Les musiciens ne jouent pas nécessairement sur partition : ils jouent de la musique qu'ils ont retrouvée auprès de vieux informateurs ou dans des manuscrits. Cette génération considère que la tradition musicale s'est transmise oralement et donc les lutrins, les cassettes, les disques et plus tard les cd sont hors du champ. Ces musiciens veulent coller au plus près au jeu authentique et traditionnel, ou du moins à l'image romantique qu'ils s'en font. Le répertoire est solidement estampillé "traditionnel" même lorsqu'il a été composé hier entre la soupe et les patates. Ils se considèrent comme les gardiens et en même temps les rénovateurs de cette tradition.

 

De cet écheveau d'intentions et de créativité naît le "bal folk" dans sa forme actuelle.

 

L'amusement, la convivialité et la musique de danse "live" sont des ingrédients obligés. Comme cette génération d'après guerre dispose parfois d'une auto, un répertoire plus international s'introduit dans le mouvement de musique traditionnelle. Ils vont en France où le même mouvement existe et où ils entendent dire que la tradition y a été mieux conservée que chez nous. Pleins d'admiration, ils ramènent LE rondeau, LA bourrée, L'andro, etc. En souvenir de Miss Pledge qui dans l'entre-deux-guerres créa un mouvement similaire VIVO, ils reprennent à nouveau le cercle circassien et la chapelloise (gigue). Un hambo ou une polska de Suède et une tarentelle italienne égarée complètent le tableau.

 

Le souci de la manière de danser est, depuis le début dans ce mouvement, très important. Quand il s'agit de la conservation de la tradition, on ne peut être trop strict ! Avec comme conséquence, d'héroïques polémiques sur la justesse du pas de polka ou du rythme de la mazurka ou de la scottische. Il est frappant de voir que tous les partisans du bal folk sont si volontiers redevables à la tradition mais en pratique se basent si peu sur des recherches systématiques et vérifiables. On vit un rêve collectif. C'est souvent ce même rêve qui barre la route à une recherche approfondie d'une histoire fondée du répertoire de danse.

 

Le bal folk aujourd'hui

Le bal folk s'adresse aujourd'hui à beaucoup de jeunes. A cause de la musique de danse qui prend aux tripes, à cause du panache de quelques musiciens belges de haut niveau qui jouent volontiers ce répertoire et qui forcent l'admiration sur un podium. A cause de l'accessibilité. Il n'est pas nécessaire d'avoir honte quand on va pour la première fois à un bal folk. On regarde, on essaie quelques pas et finalement on demande à quelqu'un s'il veut bien vous apprendre à valser. Ou on entre directement dans un an dro : deux pas vers la gauche, deux sur place. Ou encore on vient un peu plus tôt pour une initiation. Pas besoin de quelques mois de cours préparatoires.

Le bal folk vous fait entrer dans la danse traditionnelle en créant un sentiment authentique de fête où tout est possible, où vous pouvez aller aussi loin que vous voulez dans la maîtrise de la danse.

 

Le Boombal

En ce sens, l'histoire de la naissance du légendaire Boombal de Gand est très illustrative. Il y a trois ans, la classe d'accordéon de Wim Claeys (Ambrozijn) lui demande d'apprendre plus de répertoire de bal. A quoi Wim répond qu'ils doivent d'abord se soucier des danseurs. Il leur dit qu'on peut bien sûr apprendre du répertoire de danse, mais que cela n'a pas de sens de l'apprendre tout seul dans sa chambre. Les participants le prennent au mot. L'un d'eux possède une petite grange dans un jardin avec suffisamment de place pour un podium et des danseurs. La bonne nouvelle qu'un bal va avoir lieu le mardi soir dans la Boomstraat (d'où le nom) se transmet par e-mail. La bière est mise à refroidir, car danser donne soif, et un vieux "lampadaire" et des guirlandes de Noël surannées agrémentent le décor. Les élèves veulent répéter chaque mois.

 

La première fois apparaissent une dizaine de danseurs un peu timides, et autant de musiciens. On peut laisser son adresse e-mail à Wim pour la prochaine fois. Et la fois suivante, un mois plus tard, apparaissent déjà vingt danseurs. On danse si énergiquement que la condensation de la sueur et de l'haleine tombe comme de la pluie sur les musiciens et les danseurs. La danse traditionnelle est, comme vous le savez, un sport intense, explosif. Déjà après la troisième ou quatrième fois, la salle devient trop petite. La soirée dure trop tard, et des voisins se plaignent du bruit ... Wim décide alors de passer à la vitesse supérieure. Il arrive à convaince le patron du café Het Volkshuis, un estaminet socialiste à la Dampoort à Gand, de mettre sa salle gratuitement à disposition. Il retravaille le concept pour attirer plus de monde. Le petit club demande un droit d'entrée raisonnable, comme pour une soirée dansante. Ils paient la Sabam et demandent aux grands noms du folk belge de venir jouer pour le bal : Ambrozijn, Fluxus, Kadril, Ashels, Madigma, 011e Geris, Flint, Papaver, 'k Voel me Belg, Aedo, etc., passent durant la première année. On "jamme" toujours solidement avant et après les concerts. De plus, des avant-programmes se proposent spontanément : un duo d'illégaux bulgares, une fanfare belgo-hongroise et d'autres. Bref, le Boombal vit.

 

Le public ?

Le public ? Des alternatifs de Gand de tous âges et surtout beaucoup d'étudiants qui veulent essayer les danses traditionnelles et qui sont d'emblée séduits par l'ambiance formidable. Mais viennent aussi des Anversois, des Bruxellois et des Wallons attirés par l'ambiance spéciale ... et bientôt, avec 100 à 180 visiteurs à chaque bal, la salle devient à nouveau trop petite. Après une petite année, Wim comprend que cela peut devenir encore plus grand. Le dernier bal de la saison donne un coup de pouce au destin. Ce soir-là, il voit la porte du café Het Volkshuis scellée par un huissier. Heureusement il apparaît que De Centrale, le centre interculturel dans le voisinage, n'a pas d'objection à héberger le Boombal pour un soir. Le mardi soir, il n'y a encore rien à leur programme, donc ... Ils proposent généreusement leur magnifique salle. Après une seule soirée avec 300 danseurs, ils concluent une solide collaboration qui dure maintenant depuis plus d'un an et demi.

 

Le Boombal en voyage

En été 2002, l'organisation du Boombal passe pour la première fois sous les feux de la rampe. La Huis van Allijn invite Wim Claeys à organiser un boombal durant les dix jours des Gentse Feesten, dans la Drongenhofkapel du Paterhol. La popularité du phénomène Boombal reçoit une nouvelle fois une poussée dans le dos. Dès ce moment, plus de 400 danseurs viennent chaque mois au Boombal à De Centrale. Un site web interactif permet de voir des photos de chaque bal, de placer des petites annonces ou d'annoncer un bal. D'un coup d'oeil vous vous rendez compte que le Boombal n'est pas un bastion exclusif des jeunes : tous les êges sont bienvenus et tous les âges viennent danser. Plus récemment, des noyaux de Boombal ont été créés en Flandre Occidentale (Dranouter) et au Limbourg (Hasselt). En collaboration avec la Huis van Allijn et Danspunt, les Gentse Feesten de 2003 sont à nouveau pourvues d'un boombal quotidien. Ensuite la bande du Boombal part en voyage. Via Danspunt et Jeugd & Muziek, ils veulent disséminer le virus du Boombal lors de leur "voyage" dans les centres culturels, les écoles et les associations de danse et initier les gens à la danse.

 

Bal folk sur Internet

Sur les sites internet ci-dessous, vous trouverez rapidement la plupart des bals folk. Souvent la description est assez sommaire, vue de l'extérieur. Il suffit de téléphoner à l'organisateur, qui vous renseignera volontiers sur les aspects pratiques et sur le genre de répertoire.

www.boombal.be

www.bourdonske.tk

http://users.skynet.be/canard folk www.volksmuziek.be

www.muziekpublique.be