Retour
Musique
Populaire Traditionnelle
du Brabant Flamand
exécutée par
l'Ensemble Folklorique brabançon
"De Vlier"
de Nederokkerzeel
sous la direction
de
Hubert Boone
Texte de la pochette intérieure :
Le talent créateur des campagnards du Duché de Brabant, joint
à leur esprit conservateur, a permis de retrouver leur musique populaire
dans un état assez impeccable.
Ce répertoire brabançon nous surprend dès le premier contact
par sa complexité et sa variété : complexité des
mélodies - dans le Brabant beaucoup d'entre elles sont écrites
dans des modes médiévaux, ce qui se rencontre bien moins souvent
dans les autres régions -, variété des instruments;
nous en parlerons plus loin.
Grâce au savoir et à l'amabilité des vieux ménétriers
nous avons pu rassembler de nombreuses indications concernant l'exécution
des danses, les effectifs instrumentaux, la facture des instruments et l'art
d'en jouer.
L'intérêt grandissant de ces dernières années pour
la musique populaire de nos régions a suscité une véritable
"renaissance" de celle-ci. L'ensemble populaire "DE VLIER"
fut fondé en 1968 à Nederokkerzeel. Son nom est celui d'un
instrument très caractéristique du folklore brabançon.
(de Vlier = l'épinette).
Cet ensemble connut un prompt succès qui tient à ce qu'il reproduit
fidèlement la composition des orchestres populaires de l'ancien Brabant,
dont il utilise tous les instruments. La plupart de ses membres n'a aucune
formation musicale. Ils accompagnent les mélodies "à
l'oreille" comme cela se pratiquait jadis.
Jetons un rapide coup d'oeil sur la composition des différents orchestres
populaires :
- Les cornemuses
On en trouvait dans les fêtes populaires jusqu'à la première guerre. Parfois le musicien, juché sur un tonneau, jouait seul en battant la mesure avec le pied. Il pouvait être accompagné d'une seconde cornemuse ou d'un autre instrument. Dans le Hainaut, on trouvait jusqu'à 4 ou 5 cornemuses réunies.
- Le petit orchestre de ménétrier
Le plus courant avant 1900, se composait soit d'un violon et d'une contrebasse, soit d'une flûte traversière et d'un tambour, soit de l'ensemble de tous ces instruments.
- Le grand orchestre de ménétrier
S'est adjoint dans le courant du 19e siècle sous la pression du goût populaire, un instrument dont l'influence s'avéra assez néfaste. Il s'agit de l'accordéon diatonique c'est-à-dire qu'il ne comporte que les notes "blanches" du piano - dont les imperfections techniques ont entraîné la disparition ou la transformation des très anciennes mélodies en modes médiévaux. Dès 1880 cet instrument fait partie intégrante de l'orchestre populaire, qui s'adjoint en outre la clarinette et le cornet.
- L’orchestre populaire
Ajoute aux effectifs des ménétriers les différentes formes d'épinettes, qui n'ont que fort peu à faire avec l'instrument du même nom utilisé dans la musique "classique" et qui est proche du clavecin. Certains ensembles en comptaient jusqu'à 8.
Passons maintenant à une description sommaire de ces différents instruments.
LA CORNEMUSE
Au 19e et au début du 20e siècle on en distinguait 3 types
dans nos régions :
1. Le "Muse-au-sac" était très connu dans le
Hainaut (Mujafou, Moujacou), dans le sud des deux Flandres (Moezelzak, Doedelzak)
et guère dans l'ouest du Brabant. Cet instrument essentiellement
wallon est apparenté aux cornemuses du Nivernais, du Berry et de l'Auvergne.
En voici les différentes parties : le chalumeau (flûte), le grand
bourdon (cornebout), le tuyau d'insufflation (cornet), le sac (soufflet) et
le petit bourdon, mis en parallèle avec le chalumeau. Les bourdons
font entendre sans arrêt la même note qui sert en quelque sorte
à soutenir la mélodie jouée sur le chalumeau.
2. Le Pipeau ou "Petit muse-au-sac" est de dimensions nettement plus réduites, son chalumeau a + 21 cm et il n'a pas de bourdon. Il peut s'agir soit d'une forme décadente du muse-au-sac, soit d'une forme archaïque de la cornemuse qui a traversé les siècles. On le trouvait encore fréquemment dans les villages en 1900.
3. La cornemuse brabançonne "brueghelienne" ou "Pijpzak"
Cet instrument a pu être reconstruit grâce aux efforts conjugués
de Messieurs L.LAUDY (facteur de cornemuse) et A.QUISTHOUDT (tourneur de bois)
et de l'Institut Ethnographique du Brabant. D'après le témoignage
de personnes âgées qui ont pu voir jouer de cet instrument jadis,
il s'agit bien de la cornemuse des toiles de Brueghel. Cet instrument
existait encore après 1900 dans la région de Montaigu, Pulle,
Rijkerworsel, Loenhout et Meer. Il diffère beaucoup des deux types
de cornemuses présentés ci-dessus, par son timbre, sa grandeur
et sa touche. Voici ses caractéristiques : 2 grands bourdons placés
parallèlement dans un support très particulier, un chalumeau,
un grand sac tenu devant le corps et serré entre les avant-bras, un timbre
assez grave.
Le POT-BOURDONNANT (Pot à vessie) ou "Rommelpot".Ce type de tambour à friction est connu dans toute l'Europe et même en Afrique. Son caractère primitif et sa dispersion géographique témoignent de l'ancienneté de son origine. La tradition lui accorde une signification symbolique propre à certains cultes (on le remarque souvent dans des représentations du Sabbat). Le principe en est le suivant : une membrane (vessie) est tendue sur un pot, d'habitude un pot à beurre, et est mise en vibration par un bâtonnet de jonc, de sureau ou de chanvre. Ce bâtonnet peut soit être fixé à la membrane, et il est alors frotté avec les mains humectées de bière, soit traverser celle-ci, et il suffit alors de le frotter contre les bords de l'orifice pour produire la vibration. Cet instrument sert uniquement d'accompagnement aux "chansons mendiantes” qui se chantent de maison en maison à Noël, au Nouvel-An, au Mardi-Gras et au Jeudi Saint.
L'EPINETTE est un instrument très répandu en Europe. On la trouve, avec quelques variantes, en Islande, en Scandinavie, en Allemagne, en France, en Roumanie, en Hongrie et même aux U.S.A. ("Dulcimer"). En ce qui concerne les Pays-Bas, l'instrument est mentionné dès le XVIIe siècle. Dans les Vosges il est appelé épinette ou "bûche des Flandres". De là à situer l'origine de l'instrument dans nos régions il y a un pas que nous ne franchirons pas. Les épinettes étaient très courantes dans toute la Belgique jusqu'en 1930. Dans le Brabant on en distingue différents types suivant qu'ils n'ont pas de caisse de résonance ou qu'ils en ont une ou deux. Leur nom varie d'après le type et d'après la région.
A. La "Blokviool" est formée d'un seul bloc de sapin ou de hêtre légèrement creusé sur lequel on pose la "touche" en sapin ou en peuplier. On fixe alors les cordes au moyen de chevilles et d'une queue. La touche est garnie de frettes pour fixer l'échelle modale (en somme, comme sur nos guitares par exemple). L'accord se fait en mode de ré authentique (échelle diatonique de ré à ré, finale sur ré), ce qui autorise également l'emploi du mode de sol plagal (échelle diatonique de sol à sol, finale ré). Les cordes d'accompagnement donnent les accords parfaits de Sol, Do et Ré (parfois La). On compte souvent 3 groupes de 4 cordes.
B. La "Vlier" a une caisse de résonance en forme de parallélépipède. Elle se prolonge à une extrémité par la queue. A l'autre sont fixées les chevilles. L'instrument est en noyer, cerisier à l'exception de la touche (partie supérieure munie de frettes) qui est en sapin, peuplier. Les frettes sont souvent en laiton. Au-dessus, on trouve 3 à 5 cordes de laiton que l'on accorde à l'unisson (sur sol) grâce aux chevilles. Les frettes vont de sol à sol (ou ré), ce qui permet gràce à l'intercalement d'un demi ton chromatique (fa dièze), de jouer dans le mode authentique de Sol ou dans le mode plagal de Do. A ces cordes s'ajoutent 3 ou 4 cordes d'accompagnement qui donnent, suivant le cas, l'accord parfait de Sol ou de Do. Parfois tout l'accord est fait un ton plus bas.
C. La "Pinet", contrairement aux deux instruments précédents qui sont rectangulaires, a une forme de poire. C'est au fond une vlier dont la partie inférieure de la caisse s'enfonce dans un second résonateur, ce qui lui donne un timbre plus rond et plus ample. L'accord est celui de la vlier.
Pour jouer de l'épinette, on la pose sur une table et on pince les cordes de la main droite munie d'un plectre en appuyant les cordes sur les frettes voulues de la main gauche.
FACE 1.
1. Petit Jean de Louvain (Westerlo)
Cette danse d'esprit communautaire est issue de rites d'initiation. On
connaît plusieurs variantes régionales de sa mélodie.
2. Pierre dans le cachot (Hever)
Des couples passent sous les “ponts” formés par d’autres couples. A la
fin de la danse, ces derniers saisissent les premiers, comme dans les jeux d’enfants.
Ce symbolisme est celui de la mort (passer sous le pont = passer de la vie à
l'au-delà). Au début de cette pièce, l'accordéon
diatonique - et ses défauts - est clairement audible.
3. Le Hibou (Kessel-Lo)
C'est sans doute la chanson populaire la plus répandue dans le pays flamand.
La transmission de la mélodie que vous entendez a été
strictement orale. Le hibou symbolise la sagesse et le chat, le mal.
4. La danse aux battements de pieds (Winksele-Delle)
Elle est jouée par un muse-au-sac et un violon. Le cornemuseur
bat la mesure du pied sur le tonneau à bière où il est
installé.
5. Marche (Zichem)
Des personnes âgées nous ont assuré que jadis elle se jouait
aux cornemuses; ici un violon est ajouté.
6. Danse de la roue ou "roue à moulin" (Boortmeerbeek)
Elle ne semble connue et exécutée sous une forme d'ailleurs très
primitive, que dans le Brabant central et le sud de la Campine. Il se
peut qu'elle représente la roue du soleil.
7. La danse autour du Bailli (Campine)
C'était un hommage à ce personnage qui marquait sa prise de possession
du lieu. Les confréries d'archers et les gildes dansaient ainsi
jadis, autour du nouveau roi. La mélodie est confiée à
quelques épinettes. Comme c'est souvent le cas, une blokviool improvise
un contrechant.
8. Alewijn (Poppel)
Le texte de cette chanson, qui originellement comportait 13 strophes, est très
mutilé, mais sa mélodie (en mode éolien) est une des plus
belles qui nous soients parvenues.
9. Marche funèbre (Wortel)
Le ménetrier la jouait après un roulement de tambour lors des
obsèques d'un membre d'une gilde. L'assistance faisait alors trois
fois le tour de la tombe en hommage au défunt. La mélodie
est en mode dorien.
FACE 2.
1. Petits enfants doux (Poederlee)
C'est une chanson de nouvel-an, en mode dorien. Elle est accompagnée
par une flûte traversière, un rommelpot et deux violons-sabots.
Cet instrument a complètement disparu depuis la première
guerre mondiale. La caisse a la forme d'un sabot, la touche est courte,
l'accord est celui du violon traditionnel. Il accompagne souvent les chansons
mendiantes ou de mardi-gras.
2. Chanson de Noël (Herenthout)
Elle est en mode dorien et s'accompagne de 2 violons, d'une flûte traversière
et d'un rommelpot.
3. Le "Krebbel" (Hulshout)
Très belle mélodie brabançonne, en mode éolien.
Elle est jouée par 4 épinettes, 1 clarinette, 1 contrebasse
et 1 accordéon diatonique.
4. Nathan (Mol)
Cette danse fait partie des rites d’adoption d’un nouveau membre dans une communautté,
ainsi qu'en témoigne la tache noire dont les danseurs sont marqués
un par un sur la joue. La mélodie, en mode lydien, est jouée
sur l'accordéon diatonique.
5. Mieke Stout (Kampenhout)
Cette danse est exécutée sur le "pijpzak" dont les deux
bourdons sont accordés en quinte.
6. La danse autour de la dernière gerbe de blé (Arendonck)
C'est une danse d'échange, comme les danses au tisonnier dans lesquelles
un danseur en surnombre doit danser avec le tisonnier. La mélodie
est confiée au pijpzak.
7. Chanson de Noël (Dessel)
Cette mélodie en mode lydien est un bel exemple de la richesse musicale
de ce genre de chansons dans notre pays.
8. La Promenade (Winksele-Delle)
A notre avis, il s'agit d'une ancienne "Allemande" - danse de rythme
binaire et modéré - suivie de la Springtanz - rythme ternaire
et plus rapide. On ne connaît cette pièce que dans le Brabant
central.
9. La Danse aux claquettes (Balen)
Elle est exécutée sur les épinettes et ponctuée
par des claquettes.
10. Le pays des roses (Veerle)
Jadis le "transfert" des domestiques était prétexte
à de grandes cérémonies pendant lesquelles des "chansons
de déménagement" étaient exécutées.
Chacune de leurs 3 ou 4 parties était chantée en un point
bien précis de l'itinéraire. La chanson se termine toujours dans
une taverne où elle est suivie d'une ronde. On continue ensuite
sa route avec une autre chanson et, de taverne en taverne, on finit bien par
atteindre le nouveau domicile. Cette version en mode dorien est manifestement
très ancienne. Elle a été retrouvée en 1968
dans le sud de la Campine.