Julien Marechal-CF déc 21 p11-15-page-001En novembre 2019 paraissait une première interview de Marie-Hélène et Julien Maréchal, tous deux employés à la médiathèque de l’IMEP à Namur. Ils lançaient le projet Melchior, avaient plein d’idées en tête, et des premiers contacts enrichissants avec des collecteurs de musique traditionnelle wallonne.

C’est la première fois qu’on est allé si loin dans la promotion de la musique traditionnelle de Wallonie. Deux ans plus tard, où en est-on exactement et qu’est-il prévu pour la suite ? Nous avons interviewé Julien Maréchal par e-mail sur le projet Melchior ainsi que sur son groupe Trio14.

Marc Bauduin

 

 

 

1. Le projet Melchior
1.1 Questions générales

Q : Pourrais-tu d’abord résumer ce qui a été fait : informatique, numérisation … et par qui ?

R : Le projet MELCHIOR en est à sa quatrième année d’existence. Les deux premières années ont été destinées à identifier les principaux fonds de collectage, rencontrer leurs détenteurs et, plus largement, nouer des liens autour du projet. La troisième a été consacrée à la préparation du site internet, pour lequel la Fédération Wallonie-Bruxelles a octroyé un subside. La quatrième, en cours, est consacrée à alimenter le site internet, et à préparer la suite du projet.

Car MELCHIOR est entré dans une nouvelle phase avec le lancement du site internet le 1er mai 2021. Après une longue gestation, l’outil web dont nous rêvions est enfin disponible, ce qui est un aboutissement en soi. Mais le gros du travail reste à faire : terminer de mettre en ligne les quelques 2500 séquences audio rassemblées jusqu’ici, aller à la rencontre des potentiels détenteurs d’archives que nous n’avons pas encore contactés, faire évoluer le site vers un outil plus dynamique, et surtout, œuvrer à la valorisation de ce patrimoine par de nouveaux projets pédagogiques (cela fait partie de l’ADN de MELCHIOR, puisque l’IMEP qui l’accueille forme de futurs enseignants).

Pour atteindre ces objectifs, nous devons élargir nos épaules. Et c’est en cours : depuis avril dernier, nous avons la chance de bénéficier de l’aide d’Aurélie Giet – qu’on ne présente plus – qui assure la communication Facebook du projet. Par ailleurs, l’IMEP a engagé une collaboratrice à mi-temps, Doris Brasseur – chanteuse et musicologue – qui s’occupe d’alimenter le site internet. C’est formidable, mais nous souhaitons aller plus loin encore et inscrire le projet dans la durée. Il nous semble, en effet, que la transmission d’un patrimoine aussi riche et « organique » mérite d’être soutenue de manière structurelle. C’est pourquoi nous sommes à la recherche de financements qui nous permettent de réunir une petite équipe autour du projet, de le pérenniser et de créer davantage de connexions. On est en attente de certaines réponses, on croise les doigts.

Q : Vous avez donc rencontré pas mal de collecteurs. Y a-t-il eu des réticences pour que certains prêtent leurs documents, et sais-tu pourquoi ?

R : il y en a qui disent “oui” mais qui ne donnent pas suite, sans dire pourquoi.
Peut-être certains éprouvent-ils une crainte de voir devenir public quelque chose qu’ils ont fait eux-mêmes ?
Les collectages peuvent être très anciens. Avec le temps, c’est peut-être devenu leur trésor.

Certains peuvent avoir peur qu’on fasse n’importe quoi de “leur musique”. Il y aurait là un peu de purisme : comment vont-ils jouer, interpréter ces airs qui seraient proposés à l’état brut ? Pourtant, un problème est qu’on a peu d’exemples sonores : alors, telle caractéristique, est-ce du Schmitz ou est-ce de la musique wallonne ?

1.2 Questions relatives aux relations et aux différences avec l’IMEP

Le Canard Folk a d’abord essayé de comprendre les éventuels liens entre la médiathèque de l’Imep et le projet Melchior. Tout d’abord, la médiathèque dispose d’un catalogue avec une belle quantité de catégories tous azimuts, y compris la musique traditionnelle et quelques instruments. Melchior ne semble pas avoir de catalogue ?

R : Non, en effet, il a été décidé dès le début d’établir une césure claire entre les collections de la médiathèque (les ouvrages, partitions et supports physiques, propriété de l’IMEP, plutôt orientés vers la musique savante) et les contenus mis en ligne par MELCHIOR (qui ne sont pas propriété de l’IMEP mais simplement mis à disposition via un site web).

Q : Les métadonnées de la médiathèque sont consultables en ligne, pas les documents eux-mêmes ; ces derniers peuvent être consultés sur place ou empruntés par les étudiants de l’imep et par les étudiants et profs de l’UNamur. Côté Melchior, des séquences chantées se trouvent en ligne ; on déclare que tout sera accessible à tout un chacun.
Avez-vous aussi l’intention de numériser des manuscrits, des articles, des bouquins ?

R : MELCHIOR est un projet destiné à transmettre avant tout un patrimoine musical, sous forme de documents d’archives. On n’a donc pas l’intention de numériser des livres ou articles, car ce n’est pas notre objet. Par contre, les manuscrits qui contiennent du répertoire de Wallonie entrent complètement dans notre objet. Notre objectif ultime, c’est un site web qui rassemble tout le répertoire connu pour la Wallonie, quel que soit le support via lequel il nous est parvenu (collectage écrit, collectage sonore ou manuscrit d’époque).

On se concentre pour l’instant sur les archives sonores, car les supports sont plus délicats (bandes magnétiques, cassettes, etc.). Il y a urgence à les numériser quand ce n’est pas encore fait. Mais il n’est pas impossible que les manuscrits débarquent sur le site de Melchior dans un avenir proche. On a un projet de collaboration en discussion, je ne peux pas en dire plus pour l’instant…

Q : Y aura-t-il donc deux bases de données distinctes, deux catalogues, deux lieux de stockage des documents, deux politiques d’accès ?

R : Oui, il y aura toujours deux catalogues distincts, car ils recouvrent chacun des réalités très différentes. Les collections de la médiathèque sont des médias physiques destinés avant tout aux étudiants de l’IMEP (la mission de la médiathèque le définit comme telle). Les contenus liés à MELCHIOR sont dématérialisés : les supports physiques des collectages sont conservés chez leurs détenteurs, qui en restent propriétaires. Il n’y a donc aucune collection matérielle liée à MELCHIOR, à part quelques livres. Ces contenus numériques, par ailleurs, sont destinés à un public bien plus large de chercheurs, enseignants et musiciens.

Q : Des « fonds privés » sont cités par la médiathèque. Côté Melchior : lorsqu’un collecteur ou collectionneur dépose des documents, cela sera-t-il aussi vu comme un fonds privé ?

R : Encore une fois, la médiathèque n’est propriétaire d’aucun fonds matériel lié à MELCHIOR. Nous jouons juste un rôle d’intermédiaire entre les collectages (qui restent propriété de leur détenteur) et le public, via une interface numérique. On n’a pas la vocation d’être un centre d’archives des musiques traditionnelles en Wallonie. Cela s’éloignerait trop de nos missions (on est une école) et, de toute façon, nous n’aurions pas les moyens de stocker ces archives dans de bonnes conditions.

Q : Melchior a-t-il une personnalité juridique (asbl, …) ?

R : Non, MELCHIOR n’a pas de personnalité juridique propre. L’IMEP est une école supérieure structurée en ASBL, c’est lui qui est juridiquement responsable du projet. Après, cela n’empêche pas d’évoluer un jour vers une entité mieux circonscrite au sein de l’école. On laisse la question ouverte pour l’instant. Notre priorité à ce stade, c’est de consolider le projet et d’assurer sa survie pour quelques années.

Q : Mais pourquoi Melchior n’a-t-il pas de personnalité juridique ? Actuellement tous les développements et les produits de la numérisation appartiennent à l’imep, institution namuroise. Si la direction de l’imep changeait, avec un successeur qui aurait d’autres idées, d’autres priorités ?

R : Au départ il n’était pas évident de créer une structure juridique et de chercher des financements alors qu’on n’a encore rien fait. Nous avons donc obtenu de l’imep un engagement sur quatre ans et sommes en train de chercher des partenariats, des financements externes afin de pouvoir grossir, atteindre une certaine notoriété.

1.3 Questions relatives au contenu de la base de données

Q : Le Canard Folk a ensuite listé ci-dessous, sans être exhaustif, des infos qu’il serait utile de voir dans une base de données relative à la musique traditionnelle wallonne. Seront-elles un jour présentes dans Melchior ? Sont-elles acceptables par la direction étant donné l’effort de développement que cela supposerait ? Et toi-même, qu’en penses-tu ?

o Une liste des musiciens traditionnels. Faire la différence avec les purs chanteurs (qui actuellement forment une énorme majorité) et les instrumentistes.

R : Oui, ça devrait être disponible à terme sur le site de MELCHIOR, avec possibilité de distinguer les instrumentistes des chanteurs. Au passage, s’il y a une grande majorité de chanteurs sur le site pour l’instant, c’est pour deux raisons : d’abord, parce que les fonds que nous traitons pour l’instant rassemblent presque exclusivement de la chanson. Ensuite, parce que c’est aussi un peu le reflet de la réalité des collectages réalisés en Wallonie : d’après la vision dont on dispose aujourd’hui, on a collecté environ 70 % de chansons pour 30 % seulement de musique instrumentale. A terme, il y aura donc davantage de musique de danse sur le site de Melchior – on a certains très beaux fonds instrumentaux dans le pipe-line – mais toujours dans des proportions bien moindres que la chanson.

Q : Des infos détaillées par musicien, telles que : lieux, dates, instrument(s), comment a-t-il appris à jouer, répertoire détaillé (analyse), jouait-il seul ou non, types de prestations (bals pour fêtes de village et calendaires, bals pour fêtes privées, fêtes religieuses, concerts pour notables et institutions …), connaissance du solfège, longueur des déplacements ; que sait-on de sa manière de jouer (style, attaques, doubles cordes, position sur le manche … manière de tenir l’instrument …). Dans la manière de jouer : éventuels points communs avec d’autres musiciens traditionnels

R : Là il me semble qu’il y a deux types d’informations différents : tout d’abord, des données biographiques précises (d’où vient le musicien, où a-t-il appris à jouer, etc.) ; ensuite des données qui relèvent plutôt de l’étude scientifique (caractéristiques du jeu, comparaison avec d’autres musiciens, etc.).

Pour les données biographiques, on essaie déjà d’être assez complets sur le site : sur les fiches des musiciens, on indique en général tout ce qu’on sait sur eux. Mais il faut bien dire que ces informations sont souvent difficiles à trouver, à part pour les musiciens les plus célèbres comme Schmitz ou Melchior.

Concernant des éventuelles analyses ou études relatives aux musiciens, leur jeu, leur répertoire, ça viendra sans doute un jour, car ce serait un outil vraiment intéressant. Mais ça demande beaucoup de temps et de connaissances, car il faut produire ces contenus ou, s’ils existent déjà, les mettre en forme. Ce sera donc pour plus tard.

Q : Documents liés à un musicien : enregistrements, témoignages enregistrés ou sur papier, photos …

R : Pour l’instant, on a choisi de livrer uniquement les contenus musicaux. On ajoute juste une photo quand on en a une, car c’est important de donner un visage à la musique. Mais on ne peut pas faire plus à ce stade, au risque de s’éparpiller. Si on trouve des documents relatifs à un musicien (témoignage, écrits, etc.), on les numérise et on les conserve, en attendant de pouvoir les transmettre quand on en aura les moyens.

De manière générale, c’est une des difficultés de ce projet : au-delà des seuls collectages, il y a une multitude de documents passionnants que nous souhaiterions transmettre également (photos, témoignages de collecteurs, interprétations « revivalistes », etc.). Mais nous sommes obligés de rester concentrés, au moins dans un premier temps, sur les collectages, qui sont déjà très abondants. Le risque, sinon, serait de vouloir en faire trop et de se retrouver face à un projet « mammouth » que nous ne pourrions jamais mener à son terme. Si, à l’avenir, l’équipe grandit suffisamment que pour pouvoir ajouter de nouvelles dimensions au projet, tant mieux, on le fera. Mais pour l’instant, on doit « rester focus », comme on dit !

Q : Liste des collecteurs. Qui a collecté quel musicien et quels morceaux de quel musicien avec quels outils.

R : Oui. Le site permet déjà de trouver l’information, mais ce n’est pas forcément évident. On travaille à rendre ça plus clair.

Q : Détails d’un collecteur : dates, lieux, formation théorique et pratique, métier

R : Dans la mesure du possible, on indique ces informations dans les fiches consacrées aux collecteurs. Mais cela touche aussi à des questions de vie privée : la plupart des collecteurs vivent toujours. Ce sont donc eux qui nous transmettent les informations qu’ils souhaitent voir figurer sur leur fiche. On s’y limite, et c’est normal.

Q : Définition progressive des caractéristiques de la musique traditionnelle wallonne. Aussi pour le chant et la danse?

Rois magesR : Ça rejoint ce que je disais sur l’analyse du jeu et du répertoire des musiciens : pour ça il faut produire des contenus, des études, des synthèses, ce qui prend du temps. Pour l’instant, ce n’est pas possible, mais c’est dans nos projets de le faire un jour, bien sûr !

Q : Liste des initiatives de transmission : stages, ateliers périodiques, publications …

R : Pas pour l’instant. Encore une fois, ce serait intéressant, mais le temps nous manque pour relayer ce genre d’infos.

Q : Outils pédagogiques : qu’est-ce qui a été réalisé par rapport à ce qui était prévu ? Qu’est-ce qui est utilisé en dehors de l’imep et dans quelle mesure ? Il s’agit surtout de chants pour enfants, dirait-on. Quels sont les projets ?

R : Pour l’instant, sont accessibles les chansons du projet « Racines », ainsi qu’un dossier pédagogique autour de 10 chansons wallonnes, téléchargeable via la plate-forme E-Classes. D’ici la fin de l’année scolaire, on mettra en ligne de premiers recueils de chansons, destinés aux instituteurs et aux professeurs de formation musicale. On va aussi mettre en accès un répertoire filmé de chansons de jeu. Ce sont des collaborations avec le département de Pédagogie de l’IMEP, qui participe activement au volet didactique de MELCHIOR.

Effectivement c’est plutôt orienté vers la chanson enfantine pour l’instant. Mais on a d’autres projets, tournés vers la musique instrumentale ou la chanson pour adultes. Ils sont assez concrets, mais leur mise en œuvre dépend des financements qu’on parviendra à trouver dans les prochaines années.

Q : Liens entre collecteur et interprète, entre les morceaux collectés et d’autres documents ou cd …

R : Le lien direct entre collecteur et interprète, on y travaille. Par contre, faire le lien entre les morceaux collectés et d’autres documents ou CD, c’est beaucoup plus difficile, à nouveau pour des questions de temps.

Q : Parmi toutes les suggestions mentionnées ci-dessus, qu’est-ce qui est accepté par la direction de l’imep ? Y a-t-il un engagement sur une vision à long terme ? Quelles sont les premières priorités pour les financements ?

R : Ce qui est le plus soutenu en interne, c’est le volet pédagogique. Pour le reste, nous aurons besoins de financements extérieurs. La direction nous fait confiance, nous avons les coudées franches.
Mes priorités : apporter des commentaires, des clés de lecture; et rendre le site web plus dynamique, proposer des regroupements thématiques de collectages (donc ne pas se limiter à parcourir séquentiellement).

1.4 Questions relatives aux liens logiques avec d’autres sites web, comme celui du Canard Folk

Se trouvent actuellement sur le site canardfolk.be :
– une liste de musiciens traditionnels
– une discographie des groupes de Bruxelles et de Wallonie, avec indication de présence de musique trad wallonne
– l’historique du folk, mais sans indicateur de présence de musique trad wallonne
– un catalogue de documentation (pas uniquement wallonne)
– des articles, pour lesquels on peut prévoir une étiquette « mus trad wallonne ».

R : Effectivement, la connexion entre le site de Melchior et les sites déjà existants consacrés à la musique wallonne est très importante (je pense principalement au Canard et au Troubadour Wallon), car ces sites forment un ensemble assez complémentaire qui doit être inter-connecté. L’objet d’une rencontre prochaine autour d’un bon verre ?

2. Trio14 et le répertoire de danses

Q : Le Canard Folk a lancé, sur Facebook et par e-mail, une discussion basée sur un constat déjà ancien de Roger Hourant : le répertoire de danses des groupes de musique wallons s’est appauvri ; les bals folk se limitent de plus en plus aux « danses standard » (les 4 danses de couple, gigue, cercle circassien …).
Partages-tu ce constat ?

R : Oui je le partage, mais je tiens à dire d’emblée que je ne suis pas un observateur avisé des bals folks en Wallonie : je joue beaucoup plus que je danse. Cela dit, pour ce que j’en vois et entends, il me semble en effet que les danses que tu cites sont ultra-dominantes dans les bals en Wallonie. C’est particulièrement marqué, me semble-t-il, chez les groupes qui composent leur musique. Et ça se comprend : il est plus aisé de composer une scottish qu’un rond d’Argenton ou toute autre danse à la dynamique plus typée.

Q : La demande de se limiter aux danses standard provient-elle des danseurs ou des organisateurs ? Quelle en est la raison, d’après toi ?

R : Je l’ignore. Ce que je peux dire, c’est que les tentatives de Trio14 de proposer des danses moins pratiquées ont en général bien fonctionné : les danseurs étaient plutôt friands de nouveauté. Et aucun organisateur ne nous l’a jamais reproché !

Q : Peux-tu détailler le répertoire de danses de Trio14 ? Comprend-il des danses non standard wallonnes, flamandes, étrangères ?

R : Alors, en dehors des 4 danses de couple, des cercles et des gigues : gavotte de l’aven, kost ar c’hoat, ronds de Saint-Vincent, andro, polska, anglaise, allemande, stern polka, rondeau, bourrées 2 temps, mazurka-valse.

Q : Travaillez-vous avec un animateur pour expliquer ces danses, ou bien un musicien les explique-t-il sur scène ? Quelle est la meilleure formule, et pourquoi ?

R : La plupart du temps, on travaille sans animateur. Les quelques danses moins connues, c’est Thibault et Simon qui les expliquent. On ne travaille avec un animateur que lors des fêtes privées, quand on s’adresse à un public qui n’est pas coutumier des bals folks.

Seule exception : juste avant le covid, début 2020, on a travaillé avec Marc Malempré pour un bal au Cinex à Namur : le bal était précédé d’un atelier durant lequel Marc a appris aux danseurs une version de l’allemande qu’il avait lui-même collectée en Ardenne. On a joué des allemandes après, durant le bal, c’était une expérience superbe : les danseurs ont beaucoup aimé et, pour nous, ça a énormément de sens de tenter de réintroduire une danse ardennaise dans les bals wallons. Pas par purisme, mais plutôt pour la richesse que ça représente, culturellement parlant.

Trio14 (photo Pierre Debehogne)

 

Q : Choisissez-vous un répertoire spécifique pour des fêtes privées (mariage, …) où très peu de gens connaissent les danses folk ? Peux-tu donner des exemples de danses ?

R : On privilégie en général les danses de groupe, qui créent facilement une dynamique, plutôt que les danses de couple, plus techniques et donc plus vite lassantes quand on ne les maîtrise pas bien. On va donc plus vers des cercles, des gigues, des andros, mais aussi des anglaises ou des stern polkas. Du côté des danses de couple, on évite en général la polka, trop difficile pour les débutants.

Q : Arrive-t-il que des danseurs vous demandent de jouer des danses non standard ? Ou inversement, de jouer une danse standard telle qu’une mazurka «collante» ?

R : Les gens qui nous connaissent nous demandent parfois des danses non standard qui font partie de notre répertoire (anglaise, gavotte de l’aven, polska notamment). Il arrive aussi souvent – pour l’anecdote – qu’on nous réclame des bourrées à trois temps, qu’une partie du public affectionne. Mais malgré plusieurs tentatives, on n’a pas encore ajouté vraiment cette danse à notre répertoire. On adore, mais on n’ a pas encore réussi à arranger une suite de bourrées 3 temps dont on soit suffisamment contents… Ça viendra peut-être un jour !

Q : Combien d’heures pouvez-vous jouer en bal ?

R : Je dirais 3 heures, si on ajoute au répertoire certains morceaux en duo.

Q : Comment réalisez-vous vos arrangements ? Tous ensemble, ou d’abord une proposition faite par un des musiciens ?

R : La plupart du temps, on travaille à trois : l’un de nous apporte un morceau à l’état brut, on le fait tourner un certain temps, et on voit ce qui en sort (2e voix, riffs, harmonies). Chacun de nous trois a un peu son terrain de prédilection : les harmonies pour Thibault, les contrechants pour Simon, les rythmiques pour Julien. Après, on voit ce qu’on a produit comme matériau, et on essaie de l’agencer en un arrangement qui tienne la route. C’est très créatif, mais chronophage : il n’y a pas vraiment de leader dans le processus d’arrangement.

Ces derniers temps, il nous arrive de plus en plus de commencer les arrangements en binôme, puis de les finaliser à trois. On fait ça pour des raisons pratiques, nos emplois du temps n’étant plus aussi dégagés qu’auparavant. Ça permet de gagner du temps dans l’étape la plus longue, celle qui consiste à donner une direction à un arrangement : la couleur générale, ce qu’on souhaite raconter, avec quel début et quelle fin.

Q : Composez-vous aussi ? dans un style trad, ou plus nerveux, plus virtuose, plus «moderne» ?

R : Oui il nous arrive de composer, et de plus en plus. Mais j’aurais bien du mal à définir notre style en la matière. Il porte nos bagages personnels – assez similaires, en fait – et nos personnalités. Simplement, on veille à respecter les contraintes de la danse : le tempo et l’impulsion sont non négociables.

Q : Quels sont vos projets ?

R : On continue à explorer le répertoire wallon. Et on n’en finit pas d’y trouver des choses inspirantes. Pour le reste, on réfléchit bien-sûr à un prochain CD, quatre ans après la sortie du premier. Mais je n’en dis pas plus pour l’instant !

Contact : trio14.be, facebook.com/trio14.be

(article paru dans le Canard Folk de décembre 2021)