Pataphoneux, luthier sauvage (mais pas dangereux), ancien folkeux (il jouait de la clarinette dans le groupe In De Kwak), Max Vandervorst est une usine de recyclage à lui tout seul. Tout objet qui émet un son est susceptible d’être récupéré dans la fabrication d’instruments de musique.

Il faut un minimum de technique et de sens du bricolage, certes, mais il faut surtout être musicien dans l’âme pour faire d’un ensemble de sons un morceau de musique, un instant de poésie qui pourra s’intégrer dans un spectacle tel que « l’homme de Spa », « récital pour objets abandonnés et clavier tempéré », “Patafrica” ou d’autres.
Max est arrivé à se tailler de beaux succès dans un domaine jusqu’alors peu exploré. Il a créé la Maison de la Pataphonie à Dinant. Ses productions incluent un premier cd “Folklore de Pataphonie Centrale”, des bouquins (sur la construction d’instruments de de musique en différents matériaux, “Jouets de fortune”, “Nouvelles lutheries sauvages”….), et maintenant un second cd (voir ci-dessous) dont la récente présentation au Marni à Bruxelles a recueilli un beau succès. C’était l’occasion de lui poser quelques questions.

Marc Bauduin

 

Q : Il fut un temps où tu étais un musicien dans la norme, faisant danser le public sur des valses, des polkas, des gigues … Qu’est-ce qui s’est passé pour qu’un jour tu prennes la tête d’une sorte de révolution des jouets, des petits objets qui jusqu’alors avaient un vocabulaire musical très limité ?

R : Je crois que ma période folkeuse a surtout correspondu à une première initiation à la musique, une forme d’écolage. Dans les années 70, c’était aussi tout simplement l’air du temps. C’était magique, on suivait deux ou trois stages de trad, et on s’improvisait aussitôt musicien de bal. Puis on continuait à apprendre « sur le tas »…

Ma découverte du monde fantastique des objets sonores relève quant à elle d’une attitude de recherche de magie au quotidien, qui ne se pose pas en terme d’alternative ni de comparaison avec un style musical… C’est une autre dimension….

Quant au vocabulaire musical, c’est comme en littérature. Il peut se résumer facilement à quelques mots simples mais bien choisis…

Q : Tu t’es mis ensuite à la lutherie sauvage, à la construction d’instruments. Quels étaient tes premiers instruments ? Y avait-il à cette époque des exemples, peut-être dans d’autres pays comme la France, qui pouvaient t’inspirer ?

R : Il y a d’abord eu le saxosoir (arrosoir muni d’un bec de saxophone). Puis une sorte de vielle à roue qui utilisait la structure d’un grand crucifix en bois trouvé sur les poubelles du marché aux puces (!). Puis une espèce de contrebasse dont la caisse de résonance était un baffle de haut-parleur (on en faisait de gros à l’époque). Complètement ratée, par ailleurs… Je partais d’un objet qui m’inspirait et le résultat sonore était aléatoire et incertain. Il n ‘y avait pas encore d’Internet pour échanger un savoir-faire avec qui que ce soit. J’ai effectué mes premières recherches « théoriques » à la Bibliothèque Royale. Je voulais comprendre comment mon guidon- flûte fonctionnait (toujours pas compris) …J’agissais par intuition personnelle, un peu comme de l’art brut. Ce n’est que plus tard que j’ai rencontré des artistes comme Frédéric le Junter, Dominique Gauvrit ou Pierre Berthet. Et bien bien d’autres…

Q : Etape supplémentaire : par la présence d’autres musiciens, faire accepter ta musique comme un vrai genre musical ?

R Je ne cherche ni à prouver ni à faire accepter quoi que ce soit. Je cherche seulement à m’exprimer et à partager cette expression. Dans le projet PATAPHONIA, mon scoutophone (gourdes métalliques accordées), mon conservatoire (boîtes de conserves martelées) ou ma gamme de fers à repasser sont accompagnés par le violon d’Aurélie Goudaer, le tuba de Michel Massot, les percussions de Stephan Pougin (qui joue sur mes brols) et le clavier de Frank Wuyts. Et tout cela se mélange fort naturellement… car la musique est une langue plutôt universelle…

Q : Dans ton premier cd, on avait remarqué une jolie valse cristalline. Te voici maintenant avec des valses, des tangos, des polkas, une tarentelle de l’ours avec instruments inattendus, un cakewalk, mais aussi une « musique très simple » reposante et une « danse des patapoufs » hilarante … et tout cela débute par une « Bombay Polka » qui se lance sur l’air du « Ce n’est qu’un début, continuons le combat » si souvent entendu dans les manifs. Aimerais-tu à nouveau faire danser le public, ou est-ce uniquement pour s’amuser ?

R : On peut danser sur la musique qu’on veut. Et on peut même danser dans sa tête…L’utilisation de formules rythmiques « populaires et locales » permet d’accueillir des mélodies simples et épurées. Assez minimalistes. Sans trop de notes, comme aurait dit Salieri (Trois petites notes de musique, comme le chantait Yves Montand)…Quant aux klaxons (ramenés d’Inde), ils commencent le CD et le concert : une sorte de manifeste pataphonique, très tonique, avec une réponse de sonnettes de vélo (belges). Une véritable ode à la mobilité internationale…Car la Pataphonie, c’est aussi la rescousse de l’art musical dans la grisaille de la vie quotidienne….

Q : Financièrement, tu te débrouilles avec uniquement ta musique, ou as-tu d’autres occupations ? As-tu le statut d’artiste et qu’en penses-tu ?

R : Cela fait bientôt 40 ans que je vis « pour et par » la musique. Sans intervention directe d’argent public (ni chômage ni subsides structurels). J’ai un statut d’indépendant et ne suis donc pas concerné directement par le « statut d’artiste » (en est-il un ?)…Outre les nombreux spectacles que nous présentons, je compose aussi des musiques de scène pour le théâtre.

Q : Quels sont tes projets ? Des tournées dans quels pays, avec quels musiciens?

R : Beaucoup de choses : la réalisation d’un instrumentarium pour le Conservatoire de Denain en France, qui ouvre une classe de Pataphonie. Un retour au Bangladesh pour réaliser des rickshaws musicaux et créer un spectacle avec un homologue bengali. Et quand j’aurai le temps, enfin développer le projet de faire sonner les 9 boules de l’Atomium…

Q : Rappelle-nous ce que « pataphonie « signifie …

R : Voici la définition officielle, la seule, la vraie J :

Pataphonie : 1.géo. royaume musical aux frontières ondulantes. La musique y est célébrée au quotidien, sauf le 21 juin qui est la fête du silence. On y accède par le soupir d’une porte, une promenade au clair de la lune un soir de poubelles dans les rues de Bruxelles, en interprétant « Plaisir d’Amour » sur une gamme de pots de fleurs dans le garden center du brico…2.psycho. envie irrésistible et quasi-pathologique de faire résonner le monde. « donnez-moi une mailloche assez longue et je ferai résonner la Terre (anonyme) ».

 

Max Vandervorst : Pataphonia – la petite musique des choses (Homerecords)

Avec des polkas, valses, javas, tarentelles, tangos, désopilants ou désuets, Max en revient-il à ses premières amours folk – en ajoutant cakewalks, rags, salsas et quelques airs non catégorisés, telle une danse des patapoufs ? La réponse est négative, Max mixe ses influences folks avec tout ce qui lui passe par la tête et lui tombe dans les mains, pas vraiment dans le but de faire danser (enfin, danse qui veut), mais pour faire passer de bons moments en compagnie d’instruments inattendus arrachés à un sort fatal. Ils peuvent sonner très délicatement, donnant parfois l’impression que c’est la petite fée Clochette qui volette d’une feuille à l’autre.

Rappelons que le CD peut se commander, entre autres, sur le site www.maxvandervorst.be. On y trouve aussi les dates de concert.