Comme souvent, c’est en écoutant la super radio TradCan que j’ai remarqué un air que j’avais envie de jouer à l’accordéon. Cette fois, c’est un avant-deux normand joué par Etienne Lagrange (cd de l’AEPEM).
Il existe toute une série d’avant-deux (de Bazouges, de Saint-Broladre, à Coutant, etc.), dont le principe commun est qu’ils se dansent en quadrette (deux couples face-à-face) avec un enchaînement de figures. D’un avant-deux à l’autre, ces figures sont différentes. On ne peut pas assurer qu’on a toujours callé les figures dans la tradition orale ; si une suite de figures est connue à un endroit, il n’est pas utile de les caller, d’où la précision que c’est dans le bal actuel dans lequel on mélange les répertoires, que c’est nécessaire de préciser les figures.
On les annonce habituellement avant de commencer à jouer et pendant qu’on joue. Ainsi, on annonce par exemple qu’on va jouer un avant-deux à quatre figures, dont les figures sont « en avant-deux », « traversez », « balancez » et « rassemblez » (c’est la version qu’on retrouve le plus souvent en bal folk), où « en avant-deux » invite les danseurs/danseuses à danser avec les contre-partenaires (en face, donc, le/la partenaire étant à côté). Pour être plus précis : il s’agit des contre-partenaires dans des couples en vis-à-vis dans les contredanses « à la française » sur plan carré, donc à 4 (2 couples face-à-face) mais aussi à 8 (4 couples en carré). C’est probablement ce principe/cette figure qui a donné le nom aux danses qui portent le nom d’avant-deux. En voici un exemple joué en bal par le groupe Krinkrin.
On retrouve des danses portant le nom d’ « avant-deux » en Haute-Bretagne, en Vendée et en Normandie, notamment . On retrouve également des avant-deux dans le répertoire musical de Wallonie (voir le carnet de danses du trompettiste gaumais Lieffrig), bien qu’ils n’y soient (a priori) pas dansés de nos jours et qu’on ne sache actuellement pas comment ils étaient dansés.
Dans le cas de l’avant-deux du sud-Manche présenté dans ce numéro, Étienne Lagrange nous dit qu’il s’agit d’un avant-deux recueilli par Philippe Gleises auprès de monsieur Garnier, de Montanel (Normandie). Il ajoute : « Concernant la danse, on sait qu’elle servait à l’avant-deux, mais il est difficile d’être précis et catégorique sur la façon dont il se dansait : on connait en Normandie très peu de témoignages avec démonstration dansée d’avant-deux. »
Cet air est aussi une chanson ; il existe bien sûr plusieurs versions des paroles (on désigne alors souvent une version par son incipit c’est à dire le début des paroles) et de la mélodie. Cet air n’offre pas de difficulté particulière à l’accordéon. La seule bizarrerie, pourrait-on dire, est qu’il comporte deux parties de longueur inégale.
| 1.Buvons un coup ma serpette est perdue Mais le manche, mais le manche Buvons un coup ma serpette est perdue Mais le manche est revenu ! 2.Buvons deux coups ma fourchette est tordue 3.Buvons trois coups ma lorgnette est fourchue 4.Buvons quatre coups ma hachette est fendue |
5.Buvons cinq coups ma trompette est tordue Mais la note, mais la note, Buvons cinq coups ma trompette est tordue Mais la note est revenue ! 6.Buvons six coups ma raquette est rompue 7.Buvons sept coups ma chaussette est fourbue 8.Buvons huit coups ma pincette est fondue |
Rappelons que les chiffres sous la ligne représentent la rangée extérieure, celle de Sol. Ceux au dessus de la ligne correspondent à la rangée intérieure, celle de Do. Les chiffres soulignés d’un tiret sont en tiré, les autres sont en poussé.
Fichier abc de la partition : disponible sur demande à info@canardfolk.be
Arthur et Marc Bauduin avec l’aide d’Emilie Bauduin, Aurélie Giet et Etienne Lagrange.
(CF N°464 – Avril 2025)
PS : Il est clair que les tablatures contiennent de temps à autre des erreurs malgré une relecture systématique. Si vous en trouvez, n’hésitez pas à nous informer. Les tablatures sont actuellement disponibles sur le site web www.canardfolk.be/a-vos-boutons/