CF178 (janvier 1999)

15 ans de Borzée

Les quinze ans des stages de Borzée et le récent concours de valse étaient l'occasion rêvée de faire le point. Voici donc une interview de Luc Larue , réalisée par téléphone (Borzée, c'est loin ... ) sur base d'une liste de questions.

Q : D'abord la question classique sur les débuts des stages de Borzée : quand, comment, pourquoi, par qui ?

R: C'est en novembre 83 que le premier week-end a eu lieu. je ne saurais plus dire comment j'ai rencontré Paul Spinoit. Nous étions tous les deux animateurs d'un groupe de danses Folkloriques (lui à Rixensart, moi à Borzée), et tous les deux musiciens (lui à la cornemuse, moi à l'accordéon). Nous nous sommes sans doute rencontrés aux stages de l'Académie à Neufchâteau, où nous sommes allés plusieurs années. Je venais de commencer à travailler au centre de vacances de Borzée,il y avait donc l'occasion d'organiser des stages sur le lieu de travail.

En fait depuis des années, on trouvait un peu triste que les gens ne se voient qu'une fois par an, on cherchait donc un moyen d'organiser des week-ends en cours d'année.

Il y avait également le projet de rendre la musique et la danse traditionnelles un peu plus présentes dans les bals, les fêtes, la vie quotidienne, plutôt qu'uniquement dans des spectacles. Et particulièrement la musique et la danse wallonnes : certains groupes en faisaient (comme les groupes auxquels Paul et moi participions), mais très peu dans les bals et les soirées.

L'idée à l'époque était aussi de créer un lien entre les musiciens, les danseurs et les choristes. Les groupes de danses n'employaient souvent que des cassettes et avaient peu de contacts.

Alors nous avons mis un stage de cinq ou six ateliers sur pied, et nous avons été très contents du résultat : les 80 à 90 personnes étaient unanimes, trouvaient cela vraiment chouette et demandaient de continuer. A noter que dès le début, nous avons pensé à organiser des activités pour les enfants, pour que les gens viennent en famille. C'est un peu plus tard qu'Andrée Granville et Michèle, mon épouse, ont rejoint l'équipe.

Q : Quelle réaction a eue l'Académie Internationale d'Eté de Wallonie, qui voyait peut-être là un concurrent, et quelles sont vos relations actuelles ?

R : Je ne sais pas quelle a été leur réaction, je ne m'en souviens pas. Il n'y a pas vraiment eu de problèmes. Nous avons eu plus de contacts lorsqu'ils sont venus à Borzée pendant deux ans. Nous avons de bonnes relations, par exemple nous échangeons des adresses. Les adresses que nous avons collectées tout au début ne provenaient d'ailleurs pas uniquement des inscrits à Neufchâteau, mais aussi des groupes de la Dapo. Nous ne sommes pas vraiment concurrents : eux c'est l'été, nous c'est l'année. Une autre différence depuis le début, c'est l'accueil des enfants.

Q : Quelles relations avez-vous avec les Flamands, en particulier Gooik ? Et avez-vous une idée de la répartition géographique du public ?

R : Nous avons très peu de contacts, voire pas du tout, avec Gooik. C'est peut-être une question de temps, nous avons tous aussi nos occupations professionnelles. Concernant le public, il est clair que 80 à 90% viennent de Wallonie et de Bruxelles. Nous avons aussi quelques très fidèles Flamands et quelques personnes qui viennent de France, Pays-Bas, Allemagne et Luxembourg. Par contre, nous avons toujours des animateurs néerlandophones. Il serait sans doute possible de faire un peu de promotion en Flandre et d'avoir plus de public flamand. Mais Borzée, ça marche : quatre cents personnes sont venues au dernier week-end, nous n'avons pas de problème de monde, il serait même difficile d'en caser plus ! Les informations se transmettent de bouche à oreille, et nous recevons en permanence de nouvelles adresses venant des stagiaires ou des vacanciers.

Q : A propos de l'aspect "rencontre": quel est le pourcentage de "touristes" ? Combien de non inscrits au stage viennent au bal ? Et faire la fête, est-ce au moins aussi important que suivre un atelier ?

R : La toute grosse partie des gens (90 à 95%) sont inscrits aux stages. Il y a très peu de touristes, si ce n'est des accompagnants. Il faut dire que nous avons des ateliers parallèles tels que écriture, peinture, massage, sophrologie, nature (la région s'y prête bien), initialement plutôt faits pour les accompagnants mais qui ont eu du succès au point que des gens viennent spécialement pour ça.

Il y a également des ateliers libres, c'est-à-dire la possibilité de se réunir sans s'inscrire et sans animateur. Le succès est assez mitigé: 5 à 1 0 personnes par week-end. Parfois c'est tout un groupe de musiciens ou de danseurs qui vient répéter.

Des gens passent aussi uniquement le samedi soir, mais ils sont peu nombreux. Ce sont des gens qui n'ont pas pu se libérer pour tout le week-end, ou alors des gens de la région.

Par ailleurs, plus de la moitié des gens arrivent dès le vendredi soir. Il y a alors les retrouvailles au bar. Je pense que pour beaucoup de gens, Borzée forme un tout : le stage (avec des animateurs de qualité, de bonnes conditions de travail, un suivi dans les stages), la fête, les temps libres. Le samedi soir, il y a quasiment chaque fois un bal pour enfants, puis souvent une heure de conte ou un concert, puis le bal; il y a régulièrement un podium dans la salle à côté ("La muse assoiffée"), donc tout a un sens, tout est important.

Nous prenons toujours l'avis des participants, sous forme de grilles d'évaluation qui portent sur les ateliers, la soirée, la nourriture, etc. Les gens ont compris que c'est important, et beaucoup remplissent la grille. Et nous tenons compte bien sûr de leur avis. Ainsi, un animateur d'un stage de violon irlandais et le concours de valse de Borzée ont été suggérés par des stagiaires.

Q : Quid des stages qui se suivraient d'une fois à l'autre (des ateliers trimestriels, en somme) : est-ce réaliste ? Quels problèmes avez-vous rencontrés ?

R: C'est un peu notre projet depuis un certain temps, nous appelons cela "faire des séries" : un même animateur vient environ trois fois. Le gros problème, c'est qu'il est impensable de demander aux gens de s'inscrire d'un coup pour trois week-ends. Ils attendront la fin du premier week-end pour s'inscrire au deuxième. Alors on le fait quand même, mais en étant souple. Il arrive qu'on impose d'avaoir participé à un des deux premiers week-ends pour s'inscrire au troisième - cela dépend de l'animateur. L'animateur lui-même n'est d'ailleurs pas toujours disponible. Comme exemples de séries, on a fait les danses de Suède, les danses wallonnes avec Walter Lenders, l'accordéon avec Didier Laloy, l'épinette, ...

Q : Quels problèmes avez-vous rencontrés avec le projet wallon : un manque de moniteurs, peut-être une image peu attrayante au début ?

R: Nous avons travaillé avec beaucoup de gens pour les danses wallonnes : Marc Malempré, Walter Lenders, Roger Hourant, Bernard Vanderheijden, etc. Pour nous, ce n'est pas une réussite par rapport à l'objectif de rendre la musique et la danse wallonnes plus présentes dans les bals. Les ateliers ont bien marché, mais on n'a pas pu passer le cap des bals. Pourquoi ? Je pense que nous, les organisateurs, devons être plus volontaristes, plus clairs dans nos demandes. Nous avons peut-être trop attendu des animateurs de danses qu'ils rendent la danse wallonne présente sur les podiums et dans la salle. Il faut choisir des danses de base et demander à des musiciens de les jouer. L'objectif n'est pas perdu, on en parle encore régulièrement, et on espère aboutir. On aime la danse wallonne, on essaiera par d'autres moyens.

Q : Est-ce intéressant d'avoir une documentation telle que les manuscrits wallons rassemblés par Albert Rochus (de la FGFW) à Borzée ?

R : Puisque les gens sont là, il est intéressant pour eux de consulter des documents, de les photocopier, de voir ceux qui ont fait des recherches. Un week-end est une occasion de mettre ces documents à disposition, c'est une bonne idée et j'y suis très favorable bien sûr. Une des difficultés peut-être est que les gens à Borzée ont d'autres choses à faire, plein de gens qu'ils retrouvent ...

Q : Parlons des finances. Est-ce en équilibre malgré l'absence de subsides ? Est-il nécessaire, ou utile, de faire partie d'une organisation telle qu'un centre de vacances ?

R: Soyons clairs: ce n'est pas le centre de Borzée qui organise, mais bien une association de quatre personnes qui est cliente de Borzée. On paie nos nuitées, nos séjours conune un autre client. Mais cela procure bien sûr des facilités pour l'organisation, puisqu'on est sur place. D'autre part, nous ne recevons en effet pas de subsides, nous n'en avons d'ailleurs pas cherché (ce n'est pas évident, cela demande beaucoup d'énergie), donc nous devons équilibrer par les rentrées des stagiaires. L'association n'a pas un but commercial, notre objectif est d'équilibrer chaque week-end. En pratique, certains week-ends sont déficitaires (classiquement celui de mai, où il y a peu de monde) et sont compensés par d'autres. Mais nous sommes parfois obligés d'annuler des ateliers lorsqu'il n'y a pas assez de participants. Cela n'est pas gai, et les animateurs doivent accepter que des stages puissent être annulés très tard (tout se fait en un mois, à partir de l'envoi de la brochure).

Nous essayons d'avoir des prix abordables. Certains trouveront toujours que c'est trop cher, mais il faut comparer aux autres stages. Nous offrons la possibilité d'une réduction en échange d'un coup de main, bien qu'il ne soit pas toujours possible là non plus de satisfaire tout le monde.

Les animateurs participent à leur manière au projet en nous accordant des tarifs préférentiels. Il y a pourtant certains animateurs qu'on ne peut pas engager car ils sont trop chers - ce n'est pas une critique, ils sont professionnels et doivent en vivre. Nous essayons de conserver une égalité entre tous, mais il arrive que certains ateliers soient plus chers si l'animateur est plus cher. En fait, des relations personnelles se sont nouées avec les animateurs (aussi avec les stagiaires, par l'aspect convivial), ça aide ...

Q : Peux-tu expliquer la politique d'accueil des enfants : quelle place ont-ils dans le stage, suivant les âges ? N'y a-t-il pas un manque cruel de moniteurs "folk" pour enfants ?

R: A certains moments, nous avons eu des ateliers plus variés pour enfants : nous avions des animateurs d'accordéon, de violon, d'éveil musical ... Avoir ainsi beaucoup d'animateurs pour de petits groupes d'enfants n'est en fait pas possible financièrement. Alors nous organisons des activités de groupe avec des animateurs des Jeunesses Musicales ou autres. Nous faisons aussi un peu des séries : des animateurs viennent pendant quelques week-ends, puis nous en cherchons d'autres. Il y a par ailleurs le bal pour enfants. Mais le problème est le même que pour les adultes : il y a peu d'animateurs de bal ! D'une manière générale, il est important de rechercher une évolution, un changement d'animateurs.

Q: Pourquoi ne pas faire des ateliers (complémentaires ou à temps plein) sur le folklore, les traditions, le collectage ? D'autre part, quel est le succès d'activités comme la fête du mai, et pourquoi ?

R: Nous avons eu des contacts à certains moments avec l'une ou l'autre personne, mais cela ne s'est jamais réalisé. Les nouveaux ateliers arrivent souvent par contact direct avec une personne. Par exemple, j'avais envie d'ateliers de chansons traditionnelles à plusieurs voix, et le hasard a fait que j'ai rencontré le futur animateur lors d'un spectacle de sa chorale. Donc si demain on rencontre quelqu'un qui nous fait une proposition, ça marchera sans doute, et ça aurait sa place. Mais parfois, de tels nouveaux ateliers ne sont placés par les gens qu'en deuxième choix, après la musique et la danse; or il faut un minimum de stagiaires. Nous ne rejetons pas de tels ateliers en soi : ce n'est pas notre habitude de programmer cela, mais on pourrait le faire.

Quant à la plantation de l'arbre de mai, elle a eu beaucoup de succès, mais c'est de la pratique, pas uniquement une réflexion sur la fête de mai. Nous avons accordé une place à la fête de mai en modifiant le weekend (les ateliers étaient axés sur mai), avec une préparation et une présentation qui vont plus loin qu'un simple bal. Je pense que les gens viennent à Borzée pour vivre des choses plutôt que pour réfléchir.

Q : En ces quinze ans, comment a évolué l'équipe et ses motivations ?

R:Il y a des années que ça ne bouge pas. Une équipe de quatre personnes, ça permet de prendre des décisions rapidement, de se voir facilement. Ca se passe bien, donc nous n'avons pas de projet de modification. La motivation est toujours là, soutenue par le succès.

Q: Cela ne devient pas parfois une routine ?

R: ... Oui et non. C'est lourd mais c'est facile aussi, car on est rôdés. Il y a toujours un peu l'aspect nouveauté (un nouvel animateur, l'écoute des gens ... ). Quand l'un d'entre nous en a un peu marre, les autres sont là pour aider. On s'entend bien, nous formons une petite équipe soudée !

Q : Quelle évolution prévoyez-vous ? Cela durera-t-il encore longtemps (on l'espère) ?

R: Je ne sais pas. Cela va bien pour le moment, et cela peut encore durer. Nous avons beaucoup de projets de nouveaux ateliers et sommes toujours à la recherche d'animateurs. Il y a eu un gros creux en violon et en cornemuse pendant des mois, puis on est repartis avec de nouveaux animateurs et il y a beaucoup de participants. J'espère aussi que nous arriverons à rendre la musique et la danse wallonnes plus présentes dans les bals.

Nous nous consacrons surtout aux régions nord-européennes. Les pays de l'est sont peu représentés, bien qu'il y ait eu une très chouette ouverture avec Jacques et Barbara Loneux, qui vont sans doute revenir. Quant à l'exotisme et à la world music, nous avons fait au début deux essais d'ateliers différents (Afrique et Brésil) mais, outre que cela prend du temps pour trouver les animateurs et le public, je ne suis pas tellement favorable à un mélange des genres. S'il y a une proposition, nous pourrions peut-être faire un week-end complètement consacré à d'autres régions.

interview par M. Bauduin

La valse de Borzée

Pour le quinzième aniversaire des ateliers musiques et danses de Borzée, nous avons eu le plaisir de la création, par concours anonyme, de la Valse de Borzée.

Signe évident d'une part que le folk n'est pas uniquement la pérennité de manuscrits anciens, mais qu'il se perpétue dans de nouvelles créations. Signe d'autre part de la richesse des ateliers borzéens, puisque quatorze auteurs avaient apporté leur contribution à cet événement.

Restait la tâche délicate et toujours partiellement subjective, de retenir trois candidats. C'était la partie réservée à un jury de sept membres rassemblant des musiciens et des danseurs.

Les manuscrits anonymes avaient été travaillés et étaient joués par la souriante Marinette Bonnert.

Une présélection parmi douze valses en avant-soirée du week-end, devant un public déjà nombreux et enthousiaste, devait retenir les trois premières classées. Pour les forts en math, précisons que 14 - 12 = 2, éliminés d'office car ne répondant pas aux critères imposés (pour accordéon diatonique sol/do à deux rangées, sans altération).

Deuxième temps fort : devant le public de la grande salle bondée, nouvelle exécution des trois morceaux retenus, toujours sous anonymat mais avec une piste remplie de danseurs.

Le jury désigne l'ordre des trois morceaux. Ouverture des enveloppes ... suspense ...

3ème: Serge Thorey, participant français
2ème: Marianne Uylebroeck, une des plus anciennes de Borzée
1er : Jean-Pierre Schotte, familier également du lieu, qui voit décerner à sa composition le titre de Valse de Borzée.

Les ovations du public ratifient le choix et les lauréats exécutent eux-mêmes leur oeuvre.

La Valse de Borzée entrera dans les stages de musique et on la retrouvera certainement au répertoire de nos bals.

Merci à tous pour leur participation et à Marinette pour son coltinage.

P.S. : la qualité de non-lauréats ne signifie nullement la non-qualité de leur morceau. Mais c'était l'enjeu ... du jeu.

Vous trouverez en page adéquate les trois partitions retenues. A vos boutons ... et autres instruments ...