CF17 (mai 1984)

Un nouvel accordéon belge

L'idée n'est pas neuve.Cela fait longtemps déjà que plusieurs personnes s'étaient concertées pour en fabriquer un.

Il s'agissait de construire un accordéon de type "nordique", c'est-à-dire possédant un son plutôt agressif rappelant celui des anciens accordéons diatoniques, tout à fait différent de la richesse des chromatiques.

Les deux voix seraient donc accordées à l'octave (pas de trémolo donc), tant à gauche (basses) qu'à droite.Ces personnes avaient commandé des anches Binci, considérées à l'époque comme étant le fin du fin, le sommet, LES anches. Les années passèrent sans que le projet se réalise...

Puis, un jour, Guido Hauben, ébéniste, se mit à suivre des cours d'accordéon chromatique chez Louis Spagna... et l'étincelle jaillit !

Louis Spagna était en effet une de ces personnes intéressées par la construction d'un accordéon. Guido Houben, de son côté, avait envie d'avoir un bon instrument diatonique : il en avait déjà acheté plusieurs d'occasion, mais ce n'était pas le pied. L'idée d'en construire un, avec toutes les recherches que cela impliquait, le tenta.

Quelqu'un avait suggéré que le clavier de la main gauche devrait, pour être plus facilement accessible, se situer sur la face latérale (la galerie) plutôt qu'à l'avant.

D'autre part, Guido Houben trouvait les mécaniques habituelles des basses et accords bruyantes : il voulait éliminer les vibrations dues au glissement du métal (des tiges) sur du métal. La mécanique serait donc en bois.

A la main gauche, nous avons donc une mécanique formée de deux parties distinctes, à des hauteurs différentes. Au niveau le plus extérieur, la mécanique des basses; au niveau le plus intérieur (en se rapprochant de la main droite), celle des accords.

Cette différence de niveau permet au sommier des basses d'arriver, à l'intérieur de l'accordéon, à la même hauteur que le sommier des accords (puisque les lames des basses sont plus longues).Les basses ont deux voix.

Curieusement, le clavier main gauche est formé de treize boutons, sur deux arcs de cercle : sept pour les basses, six pour les accords. Le septième bouton de basses a été ajouté pour des raisons tant esthétiques que pratiques (possibilité de jouer une gamme complète à gauche). Par exemple, pour un instrument en DO-FA, c'est la basse si/fa dièze qui a été doublée à l'octave.

Le clavier main droite, légèrement incliné, n'est pas moins curieux.Il est formé de deux rangs et demi. Les deux rangs complets ont une touche en moins que d'habitude.

Le troisième rang comprend cinq touches : quatre pour les altérations sur deux octaves, et une cinquième qui équivaut à une touche inversée de la deuxième rangée, et qui facilite le jeu dans certaines tonalités. Les trois rangs ne sont pas disposés symétriquement, mais cela ne semble pas gênant.

Vu de côté, l'instrument est moins rectangulaire, plus carré que les accordéons classiques. Il est construit en bois massif, sauf les plaques latérales intérieures qui sont en contreplaqué. On peut choisir le bois, les dessins latéraux et la couleur du soufflet.

Les soufflets, sobres, faits sur mesure en Italie, ont des plis profonds. Les bandes qui protègent les plis sont en peau de chèvre, une matière plus résistante que les toiles habituellement employées.

Accordage: les principales tonalités disponibles sont RE-SOL, DO-FA,SOL-DO et LA-RE. Les deux premiers systèmes ont deux voix accordées à l'octave; les deux derniers, deux voix à l'unisson (la présence d'une octave grave déséquilibrerait la main droite par rapport aux basses). Mais il est possible de répondre à d'autres demandes précises. Il n'y a pas de registre.

Les premiers instruments étaient accordés au diapason. Cela pose un problème: l'accordage des lames se fait bien sûr à l'air libre, après avoir enlevé le sommier de l'accordéon. Mais lorsqu'on remet le sommier à sa place, on constate que les lames "montent" : le son devient plus aigu.

La différence est d'en moyenne 10%, mais certaines lames montent plus que d'autres. D'où la difficulté d'un tel accordage, qui n'est plus réalisé que sur demande et moyennant un supplément de prix. La plupart des instruments sont donc accordés comme les autres accordéons, c'est-à-dire plus haut que le diapason de 440 Hz.

Inutile de dire que les anches ont été l'objet d'une attention particulière. Les châssis sont en laiton (sauf pour les basses), ce qui produit un plus beau son et une meilleure attaque (ils sont d'ailleurs couramment utilisés pour les lames aigues des accordéons chromatiques).

Non, ce ne sont pas des lames Binci. Un bon fabricant de lames réalise, pour les notes aigues, des châssis comportant deux ouvertures de longueurs différentes, car il y a facilement quelques tons d'écart entre la note poussée et la note tirée, dans l'aigu. Binci ne le fait pas : ses deux lames, de même longueur, ont donc des souplesses différentes.

Mais de quelle marque sont donc les lames choisies ? Là, vous en demandez trop : il a fallu beaucoup de recherches avant d'aboutir ... Sachez cependant qu'elles sont italiennes, et que ce sont les meilleures !

On pourrait encore ajouter beaucoup de détails : les boutons sont en vraie nacre; les ressorts, de forme spéciale, sont "home made"; les châssis sont collés sur les sommiers avec une cire maison; le joint caisse-soufflet est particulièrement étanche, etc.

Tout ce qui précède n'est qu'une partie de ce que Guido Houben m'a dit. Il peut en effet parler pendant des heures de la fabrication d'accordéons : le sujet le passionne, assurément.

Pourtant, il tient à garder son métier d'ébéniste, il ne veut pas se consacrer uniquement aux accordéons. Toute production en grande série est donc exclue. Mais cela ne l'empêche pas de dire que cela lui plairait de faire des recherches sur d'autres modèles d'accordéons : peut-être des chromatiques en bois, s'il y avait cinq souscripteurs ...

L'accordéon qu'il fabrique est incontestablement nouveau et très soigné. Sans doute est-ce dû au fait qu'il a vu l'instrument d'un point de vue d'ébéniste, et non d'accordéoniste.

Ce n'est pas un instrument pour débutants, ni pour collectionneurs (tant de travail pour aboutir à un objet pendu au mur !).Il est vendu sous sa valeur réelle, de manière à rester un tant soit peu accessible.

Le délai de livraison est en principe inférieur à deux mois. L'accordage et la pose des châssis sont réalisés par Louis Spagna. Renseignements : Guido Houben, 8 Duivenstraat, 1990 Hoeilaart, tél 02/687 78 51.