Ce disque veut être un échantillonnage de ce que la radio belge a réalisé ces dernières 30 années en ce qui concerne la musique traditionnelle de son propre terroir. Dans les années cinquante Paul Collaer et plus tard aussi Hendrik Daems continuent le travail de terrain, entrepris avant la deuxième guerre mondiale en Flandre par Pol Heyns. Paul Collaer réalisa également une série d'enregistrements en Wallonie. mais après lui le travail de collecte fut arrêté pendant une période assez longue. Comme partout ailleurs en Europe la musique traditionnelle connut vers 1970 un certain regain d'intérêt. A partir de 1975 le producteur- de BRT-3, Hermari Vuylsteke, mit l'accent sur des productions avec la nouvelle génération de musiciens populaires. Pour la réalisation du présent disque, nous avons surtout puisé dans la production d'envergure entreprise à l'occasion de la commémoration du 150e anniversaire de la Belgique, ceci en collaboration avec la RTBF (productrice : Françoise Lempereur).
Le matériel réuni ici donne une image fidèle de ce qui se trouvait il y a peu - et parfois encore aujourd'hui - en matière de musique traditionnelle authentique en Belgique. Les mélodies modales et les ballades (comme A/12, B/1a et B/3) ont à ce jour pratiquement disparu de la tradition, mais pour le reste, la chanson transmise oralement a pu relativement bien se maintenir auprès des chanteurs nés approximativement avant 1925. Le temps où les adultes allaient chanter de porte à porte des chansons de quête comme appoint, sont définitivement révolus, mais les les enfants le font toujours. surtout en Flandre, à l'occasion du noouvel an. Les chansons de nouvel an (A/1 et A/2), des Rois (A/3 et A/4), du Mardi-gras (A/7) et du Jeudi saint (A/9 et A/10) sont des exemples de ce répertoire de quête.
Parmi les instruments populaires, connaissant une tradition ininterrompue. le rommelpot (tambour à friction) mérite notre attention spéciale. Paul Collaer a synthétisé ce qui était connu à son sujet, et l'a situé dans son contexte international. Lors d'un des fameux colloques ethnomusicologiques de Wéginiont, où il présenta Felix Van Eeckhoute, qui fut probablement le dernier chanteur au rommelpot du pavs flamand (A/3 et A/9). Il est étonnant de constater que la région d'emploi du rommelpot s'arrête à la fontière linguistique. L'instrument connaît, ci et là, un regain de popularité, mais Kessenich est sans doute le seul village possédant une tradition continue (A/7). Le fifre - toujours accompagné d'un tambour - est encore en usage dans le pays de l'Entre-Sambre-et-Meuse et en deux endroits au sud de la Flandre Orientale, notamment à Renaix (Ronse) et Mater (A/11). Fifre et tambour accompagnent les processions religieuses ou les marches des Guildes, à Renaix et Mater, ils reçoivent souvent la compagnie d'un "fou" dansant.
Le Hommel (Bûche de Lorraine) était déjà connu en Flandre au XVIIe siècle, mais il connut sa plus grande popularité dans les années 20 et 30 de notre siècle. Le Hommel était principalement un instrument familial, et le seul instrument à être largement joué par des femmes. Les musiciens de la plage A/14 appartiennent à la jeune génération, mais leur jeu est entièrement basé sur la tradition locale.
L'accordéon diatonique a conquis la campagne, il v a environ 100 ans. BRT-3 a visité en 1976 bon nombre de vieux accordéonistes et parmi ceux-ci, Jan Van den Bergh s'est avéré le plus virtuose (A/15).
Le répertoire des ménétriers nés vers 1900 comporte surtout des danses de couple du XIXe siècle. Mais les enfants continuent toujours les traditions plus anciennes des rondes chantées (A/6).
La moitié de ce disque est réservée à des productions récentes avec des musiciens et chanteurs des différents ensembles revivalistes (e.a. Le Brabants Volksorkest, Jan Smed, 't Kliekske, Lu Gaw et Rue du Village), ces musiciens ont presque tous entre 10 et 40 ans. Ils renouent partiellement avec la tradition. telle qu'elle leur est transmise par leurs collègues plus âgés, mai ils puisent également dans les situations antérieures.
Des instruments qui ont disparu depuis le début du siècle - comme la cornemuse et la vielle à roue - sont construits à partir d'exemplaires conservés, d'images et de données qui ont été fournies par les informateurs très âgés. Les musiciens "revivalistes" font aussi volontiers usage des collections, qui furent créées pendant la seconde moitié du XIXe siècle et le début du XXe siècle (A/5, A/8, A/ 12, A/13 et A/16).
Enfin, les manuscrits de ménétriers offrent passablement de matériel utile (B/4 et B/5). A deux reprises nous avons fait précéder une telle interprétation "revivaliste" par une exécution "authentique" (A/9 - A/10 et A/1a - A/1b).
Claude Fiagel a compilé sa propre version de la ballade de Jean Renaud à partir de variantes de différentes origines; Wannes Van de Velde adapte le texte et la mélodie où cela lui semble nécessaire.
Il faut préciser que la musique traditionnelle en Belgique ne présente pas de caractères typiquement flamands ou wallons. Les chansons, danses et instruments connus en Belgique, se retrouvent dans des variantes très proches ailleurs, en Europe occidentale.
Certainement depuis le XVIIIe siècle, les campagnes sont ouvertes à toutes les influences possibles de l'extérieur. Les musiciens de village reprirent souvent avec une facilité déconcertante - quoique parfois avec quelque retard - le répertoire à la mode auprès de la bourgeoisie citadine.
Wim Bosmans