Après de longs travaux de rénovation de notre rez-de-chaussée, j’ai entrepris de repeupler mes bibliothèques en vidant une série de caisses de déménagement. C’est bien sûr l’occasion de feuilleter quelques bouquins qu’on avait presque oubliés. Ainsi, ce recueil de la Ligue Belge d’Education Physique qui, en 1951, expliquait des danses populaires, en bonne partie anglaises (dont “Galopede”, vous connaissez ?). Ou encore plusieurs petits recueils de danses wallonnes par Jenny Falize, desquels s’échappe une feuille volante datée de mars 1985, copie d’un document manuscrit de l’auteure, diablement intéressant. On lit en effet (voir ci-contre) que la chorégraphie de la maclote de Habiémont est traditionnelle, que celle de la valse de Heyd a été adaptée, et que celles des avant-deux Sophie et Lucie, de la polka des Aguesses et de la maclote kalée ont été créées de toutes pièces.
Les “vétérans” du folk wallon connaissent bien la rengaine qui regrette que Jenny Falize et Rose Thisse-Derouette n’aient pas rendu publiques leurs notes de collectage – quelles personnes leur ont joué et dansé quoi, où et quand. Pleines de bonne volonté, elles ont contribué au revival folk wallon mais n’ont apparemment pas songé à la valeur de ces trésors inédits qu’elles détenaient. Résultat : on ne sait généralement pas ce qui est traditionnel ou pas dans les mélodies et descriptions de danses des dix fascicules publiés de 1962 à 1978.
En complément à cela, ma bibliothèque vient de s’enrichir (merci Micheline !) des fiches de “Danses à travers le monde – n°2 : en Wallonie” rédigées par Jenny Falize pour le Service National de la Jeunesse en 1968. Dans l’introduction, on peut lire ceci :
“Se basant sur les souvenirs des gens âgés et des documents écrits de l’époque, Madame Thisse a pu reconstituer des chorégraphies.
Ces chorégraphies, je les ai expérimentées avec le groupe “Tchantchès” des étudiants de l’Université de Liège, mises au point dans les détails, tâchant de leur rendre leur souffle, leur esprit et leur ardeur, ensuite codifiées et fixées sur fiches techniques facilement utilisables par tous les animateurs de danses populaires et folkloriques.
Puissiez-vous trouver autant de plaisir à les enseigner qu’à les danser !”
Elle termine le document manuscrit par la partition d’une mélodie de maclote que Jean-Marie Verbaeys a composée en son honneur en 1982. Jean-Marie m’a confirmé que cette musique, qu’il considère comme un “don” au monde folk, est libre de droits.
En outre, Jenny Falize a publié des recueils plus ou moins artisanaux qui à première vue semblent être simplement des extraits des dix fascicules de Thisse, mais avec partitions manuscrites et selon une autre organisation. Ainsi “Danses populaires de Wallonie et animation” (1979) où les danses sont réparties en 13 danses traditionnelles simples (“musique et chorégraphie authentiques”), 4 danses traditionnelles adaptées (musique authentique, détails chorégraphiques modifiés) et 5 danses pour lesquelles elle a créé une chorégraphie sur la base d’un air authentique.
Dans ce recueil, les danses authentiques sont : danse del tchipète (Vielsam), polka del grawiète (Manhay), le Carillon, troïka de St Mard, scottish (sans autre précision), la danse des tcherrons (Malmedy), amourette de Chauvehé, polka-chassé de Petit Hallet, danse dè cossin (Deux-Rys), il tchéna (Grand Halleux), branle de Mariembourg, la polka noire (Mormont), la lamponète (Malmedy).
Parmi les danses inventées : les avant-deux Lucie, Sophie et Marcelle; contredanse polka; anglaise (Houssa p.5); allemande claironnante (Houssa p.5)…
Toutes ces précisions n’empêcheront sans doute pas certains (critiques virulents, esprits chagrins ou gardiens des traditions, selon les points de vue) de les balayer d’un revers de la main, en rappelant (entre autres) que ces dames ont jadis refusé qu’on enregistre une conversation avec elles sur ce genre de sujet. C’est que la machine à remonter le temps ne fonctionne toujours pas : on ne connaîtra sans doute jamais le fin mot.
Marc Bauduin