Voilà plus de quatre décennies que ce musicien norvégien poursuit son chemin, en toute discrétion, avec originalité et détermination. Jouer, partager, transmettre, voilà ce qui l’anime !
À l’occasion de la publication de son deuxième CD éponyme, Ånon II, plus de 20 ans après le numéro I, nous allons esquisser le portrait de cet artiste talentueux, avec la présentation de quelques unes de ses publications les plus récentes.
Jacques Leininger
Il serait trop long de présenter la totalité de sa discographie, qui débute en 1977 et comprend une douzaine d’albums où il tient un rôle important, et sept projets auxquels il a participé de façon marquante.
Un autre de ses talents est la transcription, parfois manuscrite, d’airs traditionnels. Ceux qui l’ont approché savent qu’il manie aussi bien la plume de calligraphe que l’archet de violon, et cela avec beaucoup de précision.
Ånon Egeland est né à Oslo en 1954. Il est l’un des rares musiciens à jouer de la musique traditionnelle du comté d’Agder, dans le sud de la Norvège. Il s’est formé directement auprès des anciens porteurs de la tradition de cette région, tels Andris Rysstad, Salve Austenå ou Sigurd Fjeldstad. Il maitrise le Hardingfele (violon norvégien doté de cordes sympathiques), le violon, la guimbarde, et des flûtes traditionnelles, comme la flûte harmonique. Très tôt, il se hisse au niveau des meilleurs solistes, et reçoit en 1977 le Spellemannprisen pour son enregistrement « Heitaste Slåtten ». Par la suite, il sera plusieurs fois nominé pour cette récompense, et recevra d’autres distinctions. Sollicité aussi pour de nombreux enregistrements, il parvient à mener de front une carrière de musicien, se renouvelant sans cesse dans des projets avec d’autres musiciens, et d’enseignant-formateur et passeur de traditions.
C’est ainsi qu’il a créé la section de musique traditionnelle de l’école supérieure de Fagernes et y a enseigné pendant 8 ans jusqu’à sa fermeture en 1996. Par la suite, il sera souvent demandé dans des institutions telles que Ole Bull Akademiet à Voss ou le département de musique traditionnelle de l’Académie Royale de Musique de Stockholm. Jusqu’en 2021, il fut professeur associé à l’Université de Norvège du Sud-Est, Département de culture populaire de Rauland.
Parmi ses publications, il est possible de trouver d’anciens enregistrements en ligne. Vous pourrez vous reporter à l’ancien numéro du Canard Folk de 1999 pour retrouver la chronique de « Ånon I ». Je me contenterai d’évoquer les plus récents, et je vous propose donc de parcourir son itinéraire musical, depuis 2016. Cette année-là, parait
Rauland Rambles (Taragot04).
Rauland est une localité du Telemark, où se situe un département de musique traditionnelle au sein du Collège Universitaire. A l’occasion du festival d’hiver qui s’y est déroulé en 2016, Ånon Egeland, s’est produit avec l’Américain Bruce Molsky (chant, banjo et violon de style Old Time) et le Finlandais Arto Järvelä (violon, kantele et chant). Le répertoire est constitué par les apports des traditions de chacun des musiciens. Ce disque témoigne donc de leur ouverture et de leur capacité d’adaptation. Il nous donne en particulier la possibilité de découvrir deux « Spoof Polonaises », recueillies en Finlande au 18ème siècle. Un enregistrement tout empreint de spontanéité.
En 2017. Sorpesoll (Taragot08)
Déjà complices dans Höökensemblen (CD Höök, chez Drone DROCD007) en 1995. Ånon retrouve Mikael Marin, l’altiste du groupe suédois Väsen pour un duo bien particulier. Il accorde son hardingfele une octave en dessous, pour se joindre à l’alto de Mikael. Les airs sont en majorité issus du répertoire norvégien, avec quelques airs suédois. Mikael Marin fait ici, une fois de plus, la preuve de son énorme talent d’accompagnateur.
En 2019, Ånon Egeland, Mats Edén & Mikael Marin, Volume1 (Taragot20)
Les deux musiciens précédemment cités sont rejoints sur cet enregistrement par une autre légende : Mats Edén, créateur et pilier du groupe suédois Groupa (40 ans de carrière, 16 disques). On peut y entendre violons, hardingfele, guimbarde, et un « violoncello da spalla » manié par ce diable de Mikael Marin.Chacun des musiciens a mis sa personnalité et son expérience au service du trio, qui nous offre une palette d’airs pour beaucoup apportés par Ånon Egeland. Ce dernier a aussi noté dans le livret, la partition de chacun des airs, et précisé les instruments et accordages utilisés. Très agréable à écouter, on attend avec impatience le Volume2.
En 2020 : Farvel, farvel, (Taragot25)
Enregistré en pleine pandémie, le duo poursuit son chemin, qui l’amène ici vers un répertoire plus grave, solennel, composé de mélodies de chansons et d’airs traditionnels, de psaumes ou de musiques notées dans d’anciens recueils. L’atmosphère favorise plus la méditation, la détente, le recueillement, avec un son souvent lointain et évanescent. J’ai particulièrement été touché par « Når gjestene reiser », dont on peut apprécier une vidéo en ligne.
Enfin en 2021: Ånon II (Taragot27)
Il fallait être patient pour enfin savourer ce deuxième opus solo. On y retrouve les morceaux des régions du sud de la Norvège, transmis à Ånon Egeland par les musiciens traditionnels qui l’ont accueilli. Ces airs, il les a façonnés « à sa manière », et l’on retrouve facilement le son si particulier qu’il s’est forgé au fil des ans. Violons diversement réglés, hardingfele et guimbardes constituent l’instrumentarium de cet enregistrement. Les danses sont communes à beaucoup d’aires musicales norvégiennes, halling, reinländer, valses, ou autres springdans, et petite particularité à la région d’Agder, on peut y entendre deux « ril ».
Ce disque est l’occasion pour découvrir, ou redécouvrir ce musicien à l’univers si original. L’agencement des plages permet de passer d’un instrument à l’autre, en changeant de style ou de danse, ce qui facilite beaucoup l’audition pour qui ne serait pas familier des musiques jouées en solo.
Tous ces enregistrements sont disponibles, en version physique ou numérique, sur le site du label Taragot Sounds (ww.taragot.com) ou sur des plateformes (Bandcamp, Spotify …)
A score of fiddle tunes, par Ånon Egeland.
Dans ce recueil, le musicien a transcrit, pour des ateliers et autres stages, des airs de son répertoire. Les annotations, en norvégien et en anglais, sont très précises. Le phrasé d’archet est indiqué, ainsi que les variations possibles. L’auteur nous indique aussi de quel enregistrement provient chaque morceau, ce qui permet un abord plus complet de l’interprétation qui convient.
Danse melodier og viser
Une commande du Østfold Musikkråd contenant 25 mélodies, arrangées à 2 ou 3 voix, issues de manuscrits datant de la fin du 18ème jusqu’au milieu du 19ème siècle.
Les textes et commentaires sont en norvégien.
Un autre recueil est en cours de réalisation. Il contiendra plus d’une centaine d’airs de violon du comté d’Agder, avec les enregistrements d’archives correspondants. Nous ne manquerons pas de vous informer de sa publication.
Jacques Leininger
Ndlr : merci de contacter l’auteur de cet article jacques.leininger@hotmail.fr pour les commandes des recueils de partitions.
(article publié dans le Canard Folk d’octobre 2022)