Best of des morceaux wallons

par Jean-Pierre Wilmotte

Il me semblait intéressant qu’un jour, on se préoccupe des morceaux wallons et de dresser une liste des pièces les plus jouées, dansées ou écoutées au sud du pays. Les plus intéressantes aussi et les pièces encore inconnues. Comme je suis occupé à rédiger un recueil de mélodies de Wallonie, connaître ce « best of » était plutôt important d’autant plus que les choix de collègues musiciens et danseurs pouvait faire émerger des mélodies auxquelles je n’avais pas pensé de prime abord. C’est chose faite ; grâce aux réponses reçues, j’ai pu découvrir quelques petites perles qui viendront renforcer mon recueil. Je vous livre aujourd’hui le résultat de cette enquête.

Avant la parution de ma demande dans le Canard Folk (numéro de mars), j’avais lancé un appel personnalisé à mon entourage : une septantaine de mails qui donnèrent pas mal de réponses. Curieusement, peu de personnes ont réagi à l’appel lancé dans le Canard. En tout 22 personnes m’ont fourni une réponse en donnant une liste de leurs morceaux favoris, parfois deux ou trois, parfois trente. En tout, 122 morceaux différents ont été cités.

Il en résulte que le classement ci-dessous ne reflète pas l’ensemble de la Wallonie, de ses danseurs et musiciens, mais bien celui d’un échantillon très aléatoire et pas du tout scientifique. En conséquence, ces résultats sont le fait de beaucoup de mes connaissances, qui sont, pour la plupart, des danseurs et musiciens de ma génération. En effet, peu de jeunes musiciens ou danseurs ont répondu, ce qui reflète soit un désintérêt pour la musique de Wallonie, soit une méconnaissance des titres, soit un manque d’intérêt pour ce genre de sondage.

Au premier regard, ce classement ne semble pas apporter de grandes originalités : on s’en tient généralement aux grands classiques.
Un premier constat est que les publications de Rose Thisse-Derouette ont la vie dure. Parmi la liste ci-dessous, vingt-huit morceaux proviennent de ses publications ou enregistrements, même si beaucoup de ceux-ci ont été puisés chez Houssa, Lambert et Wandembrile. Rose peut être critiquée pour certains aspects de son œuvre, mais où en serions-nous aujourd’hui si elle n’avait pas apporté sa pierre à l’édifice ?
Un autre constat est que les morceaux en mineur ont la cote ; j’en ai dénombré sept (dont les trois premiers du classement) alors qu’ils sont vraiment minoritaires dans notre répertoire sauf si on considère les recueils consacrés aux contredanses anglaises et françaises.

Certains choix viennent aussi du fait que j’ai contacté quelques amis faisant partie de groupes folkloriques qui ont un répertoire bien spécifique.

Parmi les choix figurent neuf chants alors que je n’avais pas insisté sur ce répertoire : ce sont A m’majon, in-n-a twé l’pourchau, Hélas pourquoi s’endormait-elle ? (1) Hélas pourquoi s’endormait-elle ? (2), D’ja l’tabeur, mes cliques et mes claques, J’ai mon amant pour rire, Jean de Nivelles, Bondjou wèsène, Comment il faut aimer et Li p’tite gayole. Certaines de ces pièces sont des chants à danser, des cramignons qui ne demandent qu’à faire leur entrée dans nos bals. Il y a donc bien un intérêt de certains pour les chants de notre région, intérêt qui ne demande qu’à se développer.

La liste complète compte 4 allemandes, 7 amoureuses, 17 maclotes ou matelotes, 6 passe-pieds, 10 polkas, 4 scottishes, 11 valses et 5 mazurkas.

Citons aussi des choix épars de contredanses : une quinzaine au total, mais chaque fois le choix d’une ou deux personnes. Ces danses à figures du XVIIIème siècle n’ont toujours pas fait leur retour dans nos bals. Notons aussi la présence de trois ensembles de mélodies à danser du XIXème siècle : le Polo de Charleroi, le Quadrille de Mormont et le Cotillon de Mons.
Tous les morceaux plébiscités sont des danses à l’exception de la Berceuse de Maffle et quelques chants.
La Gavre est reprise dans le classement bien que cette mélodie ne soit pas vraiment wallonne, bien que populaire chez nous. Un petit coucou aux Bruxellois ?

Ce classement n’a peut-être qu’un intérêt anecdotique. Il reflète cependant le fait que nombreux sont ceux qui restent traditionnels à l’intérieur de la tradition, que peu connaissent réellement les nombreuses ressources que sont les publications et manuscrits wallons. Il montre aussi qu’il est temps et nécessaire de lancer une large diffusion des meilleurs morceaux wallons, de sortir des sentiers battus et de s’attaquer à des musiques encore inexploitées : les documents wallons comptent autour de 2.000 pièces qui n’attendent que d’être rejouées. L’ensemble des publications et manuscrits wallons sont disponibles en ligne sur le site du Troubadour wallon ; beaucoup de pièces se retrouvent sur le site de Vitrifolk. En outre des enregistrements de musiciens et chanteurs traditionnels sont maintenant disponibles sur le site du Projet Melchior. Enfin le site du Canard Folk contient 68 mélodies, la plupart pour accordéon diatonique sol/do avec tablatures et parfois avec des commentaires inédits.

Voici le classement. Colonne de gauche : classement ; colonne centrale : titre ; colonne de droite : nombre de personnes ayant choisi cette mélodie (sur 22 participants).

(article paru dans le Canard Folk de septembre 2022)