C’est une récente newsletter de l’association française FAMDT (1) qui nous a (re)mis la puce à l’oreille, en publiant une lettre ouverte aux parlementaires français afin qu’ils ratifient la Convention de Faro – c’est le nom pratique donné à la Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur la valeur du matrimoine (2) et du patrimoine culturel pour la société.
Il s’agit de faire en sorte que les éléments de notre culture qui ont été reconnus comme faisant partie de notre patrimoine soient gérés et mis en valeur pas uniquement par des pouvoirs publics, mais aussi par des acteurs de terrain. Pensez par exemple à des asbl qui mettent au point du tourisme culturel dans leur région. A contrario, souvenez-vous de la gêne éprouvée face à la flûte de Pan roumaine dont le dictateur Ceaucescu voulait récupérer l’aura.
Formellement, la Convention tire son origine des travaux lancés par le Conseil de l’Europe sur le thème « Patrimoine, identité et diversité » après la 4e Conférence des Ministres responsables du patrimoine culturel (Helsinki, mai 1996) venus répondre aux destructions constatées d’éléments du patrimoine culturel lors de conflits récents survenus en Europe.
La Convention transcrit les tendances émergentes que souligne l’importance croissante des valeurs culturelles de l’environnement, de l’identité territoriale, des caractères du paysage et des dimensions environnementales du patrimoine. Cette spécificité distingue la convention aussi bien des instruments internationaux antérieurs du Conseil de l’Europe que des instruments lancés par l’Unesco. Elle constitue la base de la conception d’un « environnement culturel »
L’idée du patrimoine commun de l’Europe permet d’aborder la notion de « communauté patrimoniale », car il n’y a pas de vie culturelle sans communauté (Article 27 de la Déclaration universelle de droits de l’homme). Une communauté patrimoniale est définie ici à géométrie variable (article 2b) et évite ainsi des références à des ethnies ou autres communautés figées. Les « communautés patrimoniales » visées par le texte se distinguent ici naturellement de la notion de « communauté du patrimoine », expression parfois utilisée pour désigner l’ensemble des catégories professionnelles impliquées dans les activités concernant le patrimoine. La présente Convention met l’accent sur les avantages à tirer de la coopération qui se développe en Europe entre les diverses communautés patrimoniales.
En pratique, le Réseau de la Convention de Faro regroupe des associations réputées « membres actifs » (qui satisfont à douze critères) qui s’entraident en échangeant leurs connaissances et leurs méthodes.
Le Conseil de l’Europe est formé de 47 états-membres (y compris Andorre, Monaco, St Marin …). La Convention de Faro a été ratifiée par 25 d’entre eux. En Belgique, la ratification date du 13/5/2022 et l’entrée en vigueur, du 1/9/2022. On note que ni la France, ni l’Allemagne ne l’ont signée. Serait-ce dû, au moins en partie, au mot d’ordre « Une Nation, un patrimoine » du Rassemblement National ?
En Belgique, avec la structure institutionnelle que nous connaissons, la Flandre a créé un site web « faro.be », alors que ni Bruxelles, ni la Wallonie, ni la Communauté française n’ont de réseau Faro.
Faro est aussi le nom d’une institution flamande basée à Bruxelles dont la mission consiste à aider les bibliothèques, les archives, les musées, les organisations actives en patrimoine culturel. Elle compte une bonne vingtaine de collaborateurs qui peuvent les conseiller, les accompagner, les former, en plus d’un calendrier de formations standard bien fourni.
Pour la Wallonie, on trouve quelque chose de plus général et plus étatique. Le réseau HEREIN fait fonction d’ »observatoire » pour 42 pays ; il suit « la mise en œuvre des conventions européennes du patrimoine, l’évolution des politiques et l’affirmation des valeurs du patrimoine pour la société en tant que facteur de dialogue interculturel et d’amélioration du cadre de vie ». Ceci alors qu’un réseau Faro permettrait à des organisations wallonnes ou francophones actives en musiques et danses traditionnelles – entre autres – de recevoir de l’aide sous forme de conseils et de formation (et de subsides ? On peut rêver …)
(1) Fédération des acteurs et actrices en musiques et danses traditionnelles (famdt.com)
(2) Matrimoine culturel : c’est l’héritage culturel laissé par des générations de femmes précédentes.
Marc Bauduin
Le point de départ des réflexions ci-dessus est une newsletter de la FAMDT. Mais qui connaît un peu le milieu trad français ne s’étonnera guère qu’on glisse facilement vers Modal, que beaucoup d’entre nous connaissent via ses épais dossiers consacrés à un instrument, une région, un processus …
Lisez également notre article sur modal.: www.canardfolk.be/modal/