De la déchetterie aux salles de concert, il n’y a parfois qu’un seul pas. Il suffit de passer par l’atelier de Gille Decock à Overijse, en bordure de Bruxelles.
Inventif, ce luthier populaire très cool vous séduira immanquablement. Nous l’avons rencontré chez lui en cette fin janvier.
Marc Bauduin

Q : Tu as joué dans plusieurs groupes, et tu joues encore un peu : Kaberdoeche, Nogal Neig, Kiekebisch, Na Fir Bolg, Demi-Gueuze,… Quelle a été la constante dans ces groupes, et de quels instruments joues-tu ?
R : La constante, c’est l’ambiance. Que ce soit dans des musiques celtiques ou des musiques « de chez nous » (mais qu’est-ce que ça veut dire ?), on aime bien s’amuser, on n’aime pas tellement les gros spectacles. Alors comme instruments j’ai joué de la cornemuse, une cornemuse fabriquée par Nerinckx à Bruxelles ; puis de l’accordéon, des flûtes et toutes sortes de percussions en bonne partie fabriquées par moi-même.
Q : Donc tu fabriques des percussions entre autres et tu les vends sur les marchés, c’est bien ça ?
R : À peu près. J’ai fabriqué surtout des flûtes et des percussions en utilisant beaucoup de matériaux de récupération, des choses que j’ai trouvées dans des déchetteries. Par exemple, un tuyau peut servir de didgeridoo. Un mètre pliant fait le même bruit que des cuillères. Je les vendais sur les marchés, oui, mais maintenant depuis le COVID la situation a beaucoup changé.
Les stands sont devenus beaucoup plus chers et il y a moins de monde qui vient. Si je voulais aller à Gooik, ça me coûterait plus cher que ce que je vends comme instruments, donc je ne fabrique quasiment plus rien sauf quand j’en ai envie – je suis en train de poncer une grosse branche laissée par des élagueurs qui sonnera entre le didgeridoo et un petit cor des Alpes. Après tout, j’ai 66 ans et déjà 50 ans de carrière, et j’ai mes stages.
Q : Il y a aussi plein de cordes dans ta maison. D’ailleurs plusieurs pièces sont pleines à craquer !
R : Oui, et comme les cordes varient en fonction de la température et de l’humidité, il arrive qu’elles se mettent à vibrer quand j’ouvre une fenêtre, ça fait comme un carillon et je crie « Y a un courant d’air ! »
Q : Tu donnes encore des stages ?
R: J’ai animé pas mal de stages où des enfants, ou les gens, fabriquaient par exemple des cajons, des flûtes harmoniques et des contrebasses ou plutôt des contrebassines c’est à dire que la caisse de résonance est remplacée par une bassine. Je prépare un stage de flûte pour des enfants de 7 à 9 ans.
J’en ai fait un où les enfants pouvaient imaginer tout tout tout tout ce qu’ils voulaient à partir à partir d’éléments de recyclage. Bon, moi j’apporte la base bien sûr mais c’est incroyable comme ils peuvent être inventifs !
Q : Venons-en au rommelpot. C’est quoi exactement ? Car dans la quinzaine d’instruments que tu exhibes sur la table, il n’y en a pas deux identiques.
R : C’est normal : c’est un instrument populaire traditionnel composé d’un pot (quels que soient sa matière, sa forme, ses dimensions), un bâton (de n’importe quel bois) attaché au fond du pot, et une peau de chèvre (traditionnellement de la vessie de porc, mais avec les odeurs et les risques de maladie qu’on imagine) qui ferme le pot mais trouée en son centre pour laisser passer le bâton. On frotte le bâton avec un chiffon humide, toujours vers le haut, et cela produit un son un peu bizarre, certains diront « pas très civilisé ». En français, on l’appelle « tambour à friction ». Au départ, c’était un instrument de mendiants, utilisé aussi dans la quête lors de la fête des trois rois.
Q : Il y avait peut-être des paroles traditionnelles, peut-être des chansons, peut-être une danse ?
R : Des paroles et des chansons : oui, mais des danses non, à l’exception d’une variante qui est du genre bourrée.
NDLR
Le mois dernier, Gille avait annoncé qu’il liquidait son stock de rommelpots. Si cela vous intéresse, dépêchez-vous car l’annonce a eu son petit succès.
Contact Gille Decock : 02/688 03 88, gilledecock61@gmail.com.
Gille nous a chanté une chanson du rommelpot, que vous pouvez trouver dans la rubrique A vos Boutons: www.canardfolk.be/a-vos-boutons-t-godsdeel-of-den-rommelpot/
Sur ce site figure aussi un article de Guy et Micheline Vanden Bemden sur le rommelpot dans un village néerlandais « La tradition du tambour à friction toujours vivante aux Pays-Bas », paru dans le Canard Folk en janvier 2011 : www.canardfolk.be/la-tradition-du-tambour-a-friction-toujours-vivante-aux-pays-bas/
Nous avions réalisé une première interview de Gille Decock en mars 1998 par Marc Bauduin (Canard Folk/Historique de Folk) : www.canardfolk.be/Historique/Details/CF169GillesDecock.htm