Depuis plusieurs mois, vous voyez dans l’agenda du Canard une jam mensuelle à la Table Food and Games, rue de l’Enseignement à Bruxelles. Des jeunes et des moins jeunes s’y retrouvent pour jouer et pour danser. Nous avons interviewé Murat Briggs, l’accordéoniste fondateur de ces jams.
Marc Bauduin
Q : Peux-tu expliquer le concept de jam : est-ce une jam avec improvisations comme en jazz ? Au départ conçue uniquement pour musiciens, ou aussi pour danseurs ?
R : C’est une jam folk, avec de temps en temps un peu d’impro spontanée, mais l’accent est plus mis sur le fait de jouer ensemble du répertoire trad et folk.
Q : Joue-t-on parfois des airs qui ne sont pas conçus pour la danse, ou que personne ne sait danser ? Quelle est alors la réaction du public ?
R : Cela n’arrive que vraiment rarement, et sous forme de boutade. On joue avant tout de la musique à danser !
Q : En pratique, quel est le répertoire principal ? Centre France (bourrées), breton, irlandais … Connais-tu la part entre airs trad et compositions ?
R : Il s’agit plutôt d’un répertoire de bal folk (scottish, mazurka, valse, bourrée, cercle, gigue, etc…). Un peu de breton, suédois et irlandais de temps en temps. Je ne connais malheureusement pas la part de trad / compo dans ce qu’on joue, je pense plus compo que trad.
Q : Quand les jams ont-elles débuté ? Vois-tu une évolution depuis lors ?
R : J’ai lancé ça en mars 2014. Cela a commencé petit avec juste les copains qui venaient jouer et quelques danseurs curieux, et en automne 2014 ça a commencé à vraiment prendre. Le concept est resté le même depuis. On a régulièrement de nouveaux musiciens, et d’autres qui arrêtent de venir, ça tourne au niveau public avec une base d’habitués. On est devenu à force un évènement régulier à Bruxelles dans le monde folk.
Q : Comment as-tu choisi le lieu ? Le gérant connaissait-il la musique folk avant ces jams ?
R : Ce sont des amis qui tiennent le resto, et ils m’ont fait part un jour de leur envie d’y faire des concerts et d’autres activités culturelles. J’ai sauté sur l’occasion pour leur proposer les boeufs, et ils ont été emballés par le concept. Le gérant connaissait un peu la musique médiévale, mais pas le folk.
Q : Toi-même, comment as-tu appris à jouer de l’accordéon ? Comment as-tu connu le folk ?
R : J’ai connu le folk fin 2010, quand un ami de passage à Bruxelles m’a donné rendez-vous à une Qeimada pour rattraper le temps perdu. Il a dû repartir tôt pour avoir son train, et moi je suis resté. J’ai toujours dansé, et là pour la première fois j’étais dans un univers où les gens dansent ensemble, sont ravis, et ne jugent pas l’apparence des autres. C’était très rafraichissant, j’ai tout de suite accroché. En plus la musique était chouette, que demander de plus ! En rentrant chez moi je me suis inscrit à Frissefolk pour apprendre les pas, et depuis je suis un régulier du milieu folk bruxellois. L’accordéon, c’est venu plus tard. A mon premier Gennetines j’ai fait la rencontre des boeufs, et j’ai adoré. J’ai eu une formation de piano étant enfant, mais ce n’est pas un instrument qu’on peut facilement amener à un boeuf. J’ai donc cherché des alternatives. J’ai en fait commencé avec le cajon car j’en avait fait par le passé. Mais ce n’est pas un instrument avec lequel on peut lancer un morceau, et j’envisageais l’accordéon pour pouvoir utiliser ma formation de piano. Et un jour une amie m’a parlé de son accordéon à boutons qui trainait dans son grenier, et je lui ai demandé si je pouvais l’emprunter. Elle a accepté et j’ai appris en autodidacte d’abord (la main droite), et pour la main gauche j’ai fait une petite saison de formation à Muziekpublique. Je continue en autodidacte.
Q : Connais-tu le solfège ? Y vois-tu des avantages ou des inconvénients ?
R : J’ai eu des cours de solfège étant enfant, par contre il ne m’en reste plus grand chose. Je vois bien que ceux qui ont de bonnes bases en solfège peuvent plus facilement analyser un morceau, le décomposer et préparer des arrangements et secondes voix en utilisant ces connaissances-là. Et bien sûr apprendre sur base de partition. Par contre, comme leur apprentissage est plus mental, je constate aussi que ceux qui ont été formés au solfège apprennent plus difficilement d’oreille, et ont besoin des partitions au début. Ceux formés à des méthodes style Suzuki (ou autodidacte), ont plus de facilité à apprendre une mélodie d’oreille et à se lancer plus vite. Ils ont aussi plus de facilité pour improviser des accompagnements/petites impros sur le moment même. En tout cas c’est mon impression. Ces différences s’estompent quand les musiciens deviennent plus confirmés et plus à l’aise avec leur instrument.
Q : Quels sont tes accordéonistes préférés (folk ou non) et pourquoi ?
R : Je ne sais pas vraiment répondre à ces questions, je ne suis pas sûr de comprendre les différences. A priori j’aime l’accordéon folk. Diato ou chroma. Par exemple le son de musiciens comme Julien Padovani, Lucas Thebault ou Tiennet Simonin. J’aime moins l’accordéon dans le tango mais je pense que c’est plus le côté traînant et triste que le son en lui-même. Je ne suis pas ultra fan de l’accordéon musette, mais là aussi ça dépend de la façon dont il est joué.
Q : Joues-tu dans un groupe ? Aussi d’autres genres de musique ?
R : Non, je ne joue pas dans un groupe. Au piano je joue un peu de jazz et de pop, à l’accordéon j’ai un morceau de klezmer que j’ai appris chez Muziekpublique, sinon c’est uniquement du folk.
Q : Parle-nous de ton instrument : marque, modèle … Quels avantages et inconvénients vois-tu par rapport au diatonique ?
R : Pour le moment mon facteur d’accordéon m’a prêté un vieux Hohner blanc qui traînait chez lui. J’ai deux registres à la main droite (musette et pas musette), un seul à la main gauche. Je n’ai jamais appris à jouer du diato, et je ne saurais pas dire ce qu’il a comme avantage/inconvénient. C’est juste que pour un pianiste de formation je trouve que la logique d’agencement des touches est plus facile à comprendre sur un chroma qu’un diato. C’est pour ça que je me suis orienté vers le chroma, pour pouvoir vite en jouer sans une longue courbe d’apprentissage (je ne suis pas très patient comme gars :p). J’attends mon nouvel accordéon de chez Pierrot Accordéon dans le Poitou, il devrait arriver courant décembre, s’il n’y a pas de nouveau retard.
Q : As-tu des projets concernant la jam ? Peut-être concernant le présence de groupes (tels que Duo Gauguin, …) ? Ou le lancement d’autres jams, d’autres activités ?
R : Pour le moment je n’ai pas de projets concrets. Si un groupe veut profiter de la plateforme pour faire un set, je suis ravi qu’ils viennent jouer une heure ou deux, tant qu’il reste du temps et de l’espace pour les autres musiciens. J’aimerais bien renouveler le répertoire plus vite, et amener les musiciens à faire des arrangements et en même temps je ne trouve pas le temps et l’énergie de mener ça moi-même. Donc ça reste dans ma tête pour le moment. Si d’autres musiciens veulent porter ces projets-là, je serais ravi de leur donner un espace pour le faire via les réseaux sociaux et le boeuf lui-même.
Infos : Facebook “Les Boeufs Folk à la Table”
e-mail : murat.briggs@gmail.com
Dans le même genre, notez aussi le boeuf Nova Folk qui a lieu chaque deuxième mercredi du mois de 19h à 24h au Novanoïs, 3 rue des Ailes à Schaerbeek.