Un bouquiniste spécialisé en folk, ça ne court pas les rues. Thierry Legros s’était fait initialement connaître comme joueur d’épinette, mais depuis plusieurs années on le voit à son stand de bouquins au festival de Marsinne, au Son Continu … quand les festivals ont lieu, évidemment. Interview par e-mail en ce mois de février 2022.
Marc Bauduin
Q : Avant d’être bouquiniste, on te connaissait comme joueur d’épinette, notamment dans Salon Ambroisine. Joues-tu encore de cet instrument (ou d’un autre), seul ou en groupe ?
R : Je joue effectivement de l’épinette depuis longtemps. Je pratique également le violon, la mandoline et depuis quelque temps, je me suis mis au nyckelharpa. Je m’intéresse aussi à la bumbass, instrument rythmique à corde. Je joue régulièrement seul dans mon living, si des lecteurs souhaitent musiquer avec moi, qu’ils prennent contact.
Q : Pourquoi et comment es-tu devenu bouquiniste ? Est-ce un boulot plein temps ?
R : Pourquoi je suis devenu bouquiniste, je n’en sais rien, par contre je sais dire comment.
J’ai commencé à jouer de l’épinette quand j’étais ado et comme j’aime bien comprendre comment les choses fonctionnent, j’ai cherché de la documentation sur les instruments de musique populaire et sur la musique populaire. Pour cela, j’ai beaucoup chiné et trouvé peu de choses que je cherchais mais plein d’autres choses intéressantes. Parallèlement à la documentation, j’ai aussi recherché des instruments qui ont alimenté mon envie de connaître et donc de toujours trouver de l’info. C’est une sorte de spirale de curiosité. A la longue, je me suis retrouvé avec un important stock de livres et de documents sur la musique mais aussi sur les traditions populaires, le folklore, le régionalisme, l’art,.. . Et comme je continuais à acheter des livres et des instruments de musique, j’ai décidé de vendre ce qui ne m’intéressait pas ou plus pour financer mes achats. C’est ainsi que j’ai commencé la bouquinerie.
Je suis libraire généraliste mais avec une spécialité cependant … la musique. C’est assez pointu comme marchandise et la clientèle est limitée je dois donc vendre autre chose pour avoir une certaine rentabilité. C’est une activité complémentaire, j’ai un numéro de tva, ça me permet d’être vraiment tranquille, même si il y a un peu de paperasse.
Q : Tes principaux canaux d’approvisionnement sont les brocantes et les salles de ventes, je présume ? Surtout en Belgique francophone, ou aussi en France ?
R : Je vends mes livres par différents canaux. J’ai un site internet qui permet aux gens de me trouver (aussi bien pour acheter que pour vendre), par ailleurs je vends sur abebooks, c’est une des plus grosses plateformes de vente en ligne réservée aux libraires spécialisés en livres anciens et d’occasion. Ce site me permet de toucher des acheteurs étrangers, je vends régulièrement en France, en Allemagne, en Italie, en Espagne, aux Pays-Bas mais aussi au Japon ou aux USA. Par ailleurs, je vends lors de foires aux livres anciens. Je suis présent à la foire mensuelle qui a lieu le premier samedi du mois dans le hall de l’Aviation au Cinquantenaire, et dans d’autres événements annuels (Namur, Ligny, Huy …). Je vends aussi lors de festivals (Le son continu, Cassel Cornemuse, Marsinne) et partout où ça a l’air sympa et où il y a du monde. Il y a également ma boutique à Ham-sur-Heure, là c’est uniquement sur rendez-vous.
C’est souvent dans les foires que je trouve des bouquins pour la librairie musicale. J’ennuie les confrères avec mes lubies depuis plus de vingt ans, ils ont fini par comprendre et me trouvent des choses. J’achète aussi régulièrement à des particuliers, quelques bouquins ou des bibliothèques entières, mais dans ce cas c’est souvent de la bouquinerie générale. Quand ça arrive, c’est l’effervescence, on ne sait jamais ce qu’on va trouver et quand je rentre à la maison avec ma camionnette pleine à craquer, je passe des jours à trier, à faire des recherches, à mettre des prix, à ranger. Souvent le living est envahi, heureusement que ma compagne est très compréhensive…
Q : Combien de bouquins possèdes-tu, et quels en sont les sujets principaux ?
R : Mon stock tourne autour des 10 000 ouvrages dont environ 2500 en rapport avec la musique (lutherie, instruments divers, orgues, claviers, musique mécanique, campanologie, chansons pour enfants, chanson populaire, pratiques musicales, musique religieuse, histoire de la musique, théorie musicale, biographies, méthodes diverses, partitions anciennes, opéra, jazz, chanson française, … et des inclassables).
Tu l’auras compris, c’est bien entendu une activité commerciale mais c’est avant tout une passion pour le livre et pour la musique. J’y consacre beaucoup de temps, il y a beaucoup de manipulations, il faut préparer la marchandise pour les foires, monter les stands, charger et décharger, remettre en rayon, ce n’est pas la partie la plus excitante du métier, Par contre la rencontre avec les clients qui sont souvent passionnés, les recherches qu’if faut réaliser pour savoir ce qu’on vend, ça c’est très gai. Et puis avec les années de pratique, viennent l’expérience et la connaissance qui permettent d’apprécier une découverte à sa juste valeur.
Et quand ce sont de chouettes trouvailles, je me les garde. Ma bibliothèque musicale n’est pas très grande, peut-être 500 ouvrages mais je pense posséder ceux qu’il faut pour un amateur d’instruments et de musique populaire. Certains sont relativement courants comme L’Encyclopédie des instruments de musique de Buchner parue chez Gründ ou encore Les Instruments de musique du monde entier édité chez Albin Michel, et d’autres le sont nettement moins comme par exemple les recueils de Libiez sur la chanson en Hainaut ou cette petite plaquette sur les violes de Binche, ou encore la réédition du catalogue du MIM. Je suis effectivement aussi collectionneur,… et être à la source me permet de trouver et de m’offrir beaucoup de choses.
En dehors des bouquins sur la musique, je m’intéresse aussi aux arts premiers, à l’art brut, à l’histoire du livre, au régionalisme et … aux canifs qui sont mon dernier dada. J’ai aussi pas mal de bouquins écrits par des amis. J’ai la chance de vivre dans une grande maison, je n’ai vraiment pas de raison de me limiter, … et je ne le fais pas. Je pourrais aussi te parler de ma collection
Mes cooordonnées
Librairie musicale Thierry Legros
rue de l’Eglise 4
6120 Ham-sur-Heure
(visites sur rendez-vous uniquement)
tél: 0479.366782
thierrylegros@skynet.be
librairie-musicale-thierry-legros.be/
abebooks.fr//Librairie-musicale-Thierry-legros-ham-sur-heure/599919243/sf
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(article paru dans le Canard Folk de mars 2022)