La « marche du mouton », qui figure sur le 33 tours de Trivelin « Musiques d’hier pour temps nouveaux », a une histoire bien connue dans cette partie de la province de Luxembourg proche du Grand-Duché.
Voici d’abord la version du président de la philharmonie de Sterpenich-Barnich, transmise par Andrée Wolff.
L’histoire remonte à Jean l’Aveugle, roi de Bohême et fameux Condottieri qui vécut de 1296 à 1346, date où il fut tué à la bataille de Crécy dans les rangs du roi de France.
Il était le petit-neveu de la comtesse Ermesinde de Luxembourg, qui régnait sur le duché de Luxembourg qui s’étendait en Belgique, en France et au Grand-Duché actuel. Cette Ermesinde avait fait construire dans le val de Claire Fontaine (commune d’Autelbas) une abbaye pour cisterciennes nobles, vers la moitié du treizième siècle.
Jean l’Aveugle, comte de Luxembourg, vint au hasard d’une chevauchée se reposer dans ce val paisible et octroya aux bergers et herdiers le droit de pourvoir le matin des kermesses villageoises, en faire le tour en musique et récolter ce que d’aussi pauvres qu’eux et d’autres plus aisés voulaient bien leur remettre de façon à sustenter leur ordinaire.
C’est le but de cette sortie matinale, une fois l’an, de l’harmonie de Sterpenich-Barnich. On peut lire sur un tract : « Dimanche 1 mai 83 : kermesse à Sterpenich. Dès 7 h : réveil aux sons du Hämmelsmarch ».
Le Hämmelsmarch, cette marche composée, dit la tradition, par un berger inconnu mais dont le rythme imite le trot saccadé des moutons.Henry Gensterblum, de Trivelin, habitant près d’Attert, donne une version un peu différente.
Vers la fin septembre – début octobre, c’est la fête dans les villages de culture luxembourgeoise. C’est à cette occasion qu’on joue le Hämmelsmarch.
Jadis, dans un village voisin, il y avait alors un concours de tir à l’arc et à l’arbalète, dont le premier prix était un mouton. Avant le concours, des musiciens allaient jouer le Hämmelsmarch de porte en porte pour recevoir tantôt une pièce de monnaie, tantôt une goutte …
Plus tard, les musiciens ont été remplacés les fanfares. Dans certains villages, la traditions se perdait. C’est pourquoi des musiciens de Trivelin la font revivre à Post et à Schadeck, en jouant sur une charrette tirée par un tracteur.
L’ambiance est joyeuse, puisqu’ils reçoivent de la tarte, de la « goutte » ou de l’argent qui servira à payer le chauffage du local de Post où ils animent un atelier de musique (future salle de concert, peut-être). Ils remarquent que, comme toujours, ce sont les moins riches les plus généreux : certains donnent mille francs, c’est leur bonne action annuelle …
Marc Bauduin
(paru dans le Canard Folk n° 22, octobre 1984)