Table des Matières        article en construction

Préambule
Introduction
Danse celtique ou pas ?
Le nom “maclote”
Le rythme et la structure
Les “curiosités rythmiques” de quelques musiciens
La chorégraphie et les pas
L’origine; maclotes hors de Wallonie
En Allemagne
Présence géographique en Wallonie
Les suites de danses
Noms de maclotes et noms de villages
Maclotes chantées
La maclote d’Habiémont : le “tube”
Cas particuliers
Liste de (groupes de)  maclotes
Perspectives
Anecdotes
Maclote de Theux
Discographie
Bibliographie
Remerciements
Partitions et fichiers audio (web)

Préambule

Le présent article est paru dans le magazine Le Canard Folk de septembre 2022 à octobre 2023.

Pourquoi “En” Wallonie ? Il existe aussi des maclotes dans des pays voisins sans qu’on sache avec certitude si, quand et comment telle maclote aurait été diffusée chez nous. Depuis longtemps terre de passage, la Wallonie a sans doute aussi vu éclore des maclotes localement. On peut donc être fiers de notre folklore musical tout en gardant les pieds sur terre et en étant prudents dans les titres d’articles!

Introduction

Les maclotes sont souvent vues comme un air de danse emblématique de la Wallonie. Et pourtant, le musicien ou le danseur qui fait ses classes avec la maclote d’Habiémont et témoigne d’un minimum d’intérêt pour la chose, se rend vite compte, notamment grâce aux stages, qu’il en existe toute une variété, mais qu’il est difficile d’en avoir une liste bien fournie.

Le récent encodage de manuscrits wallons (par le Troubadour Wallon) en format abc améliore certes la chose, mais toutes les maclotes ne se trouvent pas dans des manuscrits. Ajoutons que plusieurs airs différents portent parfois le même nom (de village), et qu’un même air peut avoir des noms différents, traditionnels ou non.

De plus, certaines maclotes sont déclinées en plusieurs versions différentes, plus ou moins proches les unes des autres. Ajoutons encore que la plus grosse source d’informations, certes fort critiquée car refusant de faire publiquement la distinction entre tradition et apports personnels, reste les écrits de Rose Thisse-Derouette, dont le plus récent date de 1978 – autrement dit, vous ne les trouverez pas en librairie.

Le présent document tente modestement – nous ne sommes pas des spécialistes du sujet – de donner un aperçu de ce qu’on sait et de ce qu’on ne sait pas à propos des maclotes, et de livrer une liste de mélodies aussi complète que possible avec indication de leur origine, entre autres. L’aspect « danse », pour important qu’il soit, n’est que peu abordé.

Nous traiterons uniquement des maclotes (ou “matelotes”, mot actuellement vu en Wallonie comme un synonyme), y compris des airs dont l’intitulé contient “vive maclote”, mais pas d’autres danses dont les mélodies peuvent être proches, comme des allemandes (avec ou sans épithète), des amoureuses… Il y a suffisamment à dire comme cela ! Et les airs dont le titre ne contient pas “maclote” ou “matelote” ne sont pas, sauf exception, repris dans notre liste.

Si des lecteurs souhaitent réagir pour préciser, modifier ou ajouter l’une ou l’autre choses, qu’ils n’hésitent pas à nous écrire à info@canardfolk.be. L’article avec ses adaptations sera ultérieurement mis en ligne sur le site du Canard Folk ; les partitions également, mais progressivement vu leur nombre.

Danse celtique ou pas ?

Cela peut paraître farfelu, mais comme « maclote » commence par « mac », certains pensent qu’un danseur écossais nommé Mac Loth, voire Mac Leod, serait à l’origine d’une danse sur un reel écossais. Il est vrai que Mac Leod est un nom connu en musique celtique, avec entre autres Kevin Mac Leod, une Dame Flora McLeod of McLeod … et, oui, il existe même un reel « Mrs MacLeod » – mais sa mélodie ne correspond pas aux maclotes que nous connaissons. Comme on peut vérifier que les migrations ont amené des MacLeod dans tous les coins de France, du sud-ouest jusqu’en Alsace en passant bien sûr par Paris, il est fort possible qu’ils aient été aussi en Wallonie, en y laissant le souvenir d’une danse MacLeod … MacLod … Maclote !

Quant à Mac Loth, c’est un patronyme nettement moins fréquent, mais qui existe bel et bien. Une recherche sur internet nous mène rapidement à un article du site 5Planètes (le site 5planetes.com est réalisé par des anciens de Trad Magazine) intitulé « Ethnotest – une enquête ethnographique en Ardèche », qui vaut le détour :

Ce n’est pas parce qu’on n’a aucune trace d’une danse qu’elle n’a pas existé et le danger qui guette ici le chercheur, c’est de confondre la géographie des faits avec la géographie de la connaissance qu’on en a.

Une danse typiquement ardéchoise pose problème : la Maclotte.. Nous penchons à y voir l’origine de la Matelotte. Il est en effet impensable que « matelotte » représente une forme originelle du mot, vu que cette danse est répandue dans des régions où la marine est inconnue. Il paraît plus vraisemblable de conjecturer l’introduction de cette danse en Occitanie par l’intermédiaire d’un moine écossais, Mac Loth, qui l’aurait répandue – via les Causses, de toute évidence – afin de propager le message chrétien dans ces rudes contrées longtemps acquises au paganisme. C’est à nos yeux la seule explication possible. Car alors tout devient clair : s’il n’est nulle part question de maclotte dans les interdits de l ‘église au Moyen Age, c’est que cette danse, auxiliaire de l’évangélisation, n’avait aucune raison d’être dénoncée comme inconvenante.

C’est pourquoi nous pensons que la Maclotte s’est diffusée à partir de l’Ardèche, où elle a pris naissance et d’où elle a ensuite essaimé, allant jusqu’à atteindre la Belgique et la Hollande, sans doute au moment de la révocation de l’Edit de Nantes .

Bon … cet article (qui date apparemment de fin 2017 – début 2018) étant signé Epistémologix, pseudonyme d’Yvon Guilcher qui aimait faire des farces, vous aurez compris qu’il relève plutôt de la BD sans images !

Le nom “maclote”

On trouve des maclotes, des maclottes, des matelotes, des matelottes, une maklote et même une maculotte. Cette dernière est un cas particulier : les Condruziens font un saut en envoyant les talons contre le postérieur, d’où ce nom choisi par le ménétrier Jean-Henry Lambert.
Il semble admis en linguistique que le son KL est plus facile à prononcer que TL. Citons Jean-Pierre Wilmotte :

« Matelote » serait donc devenu naturellement « maclote » : c’est d’autant plus probable vu que le vocable « maclote » existe en wallon ; il a plusieurs significations : tête (tièsse), pomme, pommeau, grumeau, mais surtout têtard (je me rappelle que les aînés du village nous disaient lorsque nous revenions de la pêche dans le ruisseau : « Vos avoz s’ti pêchi des maclotes ? »).

Pour le fun, nous avons récolté quelques autres significations de ce mot wallon.
Un Liégeois nous dit : “Perdre sa maclote, c’est tomber de sa chaise, ou même perdre connaissance”.  Gwenn Broset, à Couthuin, se rappelle qu’avec son frère, elle allait jouer avec des maclotes, c’était des larves de moustiques dans l’eau stagnante de tonneaux qui restaient à l’extérieur. Les larves montaient à la surface et redescendaient. Son frère en ramenait parfois dans sa chambre pour voir comment elles se développaient.

Revenons à la linguistique : des maclotes auraient donc pu s’appeler initialement matelotes. De plus, il y a des maclotes en 2/4 et en 6/8, et il y a aussi des matelotes en 2/4 et en 6/8. Donc, et bien que les “grands” manuscrits de ménétriers (Houssa, Jamin, Wandembrille) ne contiennent pas de maclotes mais bien des matelotes, ne faisons pas de différence en Wallonie entre les appellations « maclotes », « maclottes », « matelotes » et « matelottes ». En France par contre, on ne trouve que “matelote”.

Le rythme et la structure

On trouve surtout des airs en 2/4, on en trouve quelques uns en 6/8, et exceptionnellement en 4/4 et 2/2.
La structure est généralement basée sur deux phrases A et B, de 8 mesures chacune, et répétées, soit en tout AA BB (32 mesures).
MAIS, dans les fascicules de Rose Thisse-Derouette et Jenny Falize, on trouve souvent en plus une indication de structure qui est en contradiction avec la partition, mais qui est censée correspondre à leur description de la danse. En voici deux exemples, en commençant par le plus simple :
– Maclotte d’Habiémont : on lit dans le fascicule n°7   “A/2 B/2 12 fois”, ce qui signifie (AA BB) x 12, correspondant au fait que la description de la danse contient 12 figures de 32 mesures (AA BB) chacune. En réalité, les auteures se sont trompées, car cette maclote se danse (AA BB) x 6 (cf.mail de Roger Hourant 8/6/22)
– Maclote de Longvilly : on lit dans le fascicule 8   “A/4 B/2 A/2 B/2    2 fois, plus B/2″, ce qui signifie (AAAA BB AA BB) x 2 plus BB.
La question est donc de savoir si les danseurs suivent ou non la description fournie par Rose Thisse-Derouette et Jenny Falize. On sait qu’elle peut être traditionnelle ou, le plus souvent, partiellement ou totalement inventée.
A ce propos, Marc Malempré nous a transmis le texte suivant, qui se trouve sur un simple feuillet glissé dans un des fascicules “Danses populaires de Wallonie” de Rose Thisse-Derouette – nous ne serons pas méchants au point de dire que l’avantage d’un tel système est que le feuillet peut facilement se perdre :
“La Commission royale belge de Folklore croit utile de préciser qu’une grande partie de la chorégraphie décrite dans le présent fascicule, comme dans les autres de la même série, procède de reconstitutions dont Mme R.Thisse-Derouette seule a assumé la responsabilité. C’est le cas, notamment, des danses anciennes à propos desquelles la documentation est incomplète ou défaillante. L’auteur a signalé à la Commission que “la chorégraphie des contredanses était laissée, selon leur titre, à l’imagination des danseurs” (cf. l’Introduction du fascicule 2). Il entre donc, dans sa publication, une part d’interprétation personnelle qui est à la mesure de son érudition et de sa compétence.”
Ce texte, qui tente de ménager la chèvre et le chou, reste très général : “une part d’interprétation personnelle”, c’est quelle part dans quelles danses ?

Les “curiosités” du violoneux Henri Schmitz et de l’accordéoniste Jules Labasse

De père violoneux, Henri Schmitz (1904-1977), très bon musicien avec un magnifique jeu de doubles cordes, n’a jamais fait danser traditionnellement de maclotes. Son répertoire, c’était plutôt des polkas et des scottisches. De plus, les Allemands avaient cassé son violon pendant la guerre. Lorsqu’on le collecte dans les années 70, les maclotes qu’il va jouer doivent donc être considérées avec prudence. Sont-elles complètement traditionnelles ? Que penser des intéressantes curiosités rythmiques qu’on y trouve ? Par exemple :

– il ajoute parfois un temps en fin de phrase B1 et B2, comme pour prendre un bref repos, ou pour laisser aux danseurs le temps de repartir du bon pied

– parfois, c’est à la fin de chaque phrase A1, A2, B1, B2 qu’il ajoute un temps
– il joue la maclote de la Falize comme suit :

• Phrase A répétée : 2 x 8 mesures à 2 temps
• Phrase B : 8 mesures à 2 temps + 1 mesure à 3 temps
• Phrase A : 8 mesures à 2 temps
• Une autre phrase, de 9 mesures à 2 temps, pour terminer.

– de plus, il existe deux enregistrements de lui, jouant le même air avec les mêmes caractéristiques rythmiques, réalisés à environ deux ans d’intervalle par deux collecteurs différents.
Exemple : voyez la rubrique « A vos Boutons » dans le Canard Folk de novembre 2022. 
 
Le caractère systématique d’un nombre appréciable de ces “curiosités”, chez Henri Schmitz mais aussi chez l’accordéoniste Jules Labasse, ainsi que leur répétition à quelques années d’intervalle, fait penser qu’elles sont jouées volontairement, peut-être pour laisser le temps aux danseurs de terminer une figure.

Et en effet, dans son ouvrage “Le recueil de danses manuscrit d’un ménétrier ardennais” (p.39), Rose Thisse-Derouette écrit ceci :

Pareil phénomène se produit encore, précisément dans un passe-pîd joué par M. J. Labasse : il accorde cinq mesures, puis quatre, au premier motif qui, normalement, – et tel qu’il est transcrit parmi les « Danses vieilles de Burnontige », – contient deux césures de quatre mesures. Cette allonge d’une mesure a sa raison chorégraphique : ralentie [sic] par l’âge des danseurs, la figure « poussette » n’est pas finie à la quatrième mesure : li djouweû, complaisant, en ajoute une cinquième puis enchaîne. »

De telles “curiosités” ne sont généralement pas représentées dans des partitions. Elles sont absentes des cahiers de nos ménétriers, qui contiennent généralement des phrases “bien carrées” de 2 x 8 mesures. Considérons donc que nos ménétriers appliquaient en bal une bonne pratique qui consisterait à s’adapter aux danseurs … bien que, inversément, les danseurs pourraient s’adapter à la musique, non ? C’est d’ailleurs ce que Jenny Falize avait fait en adaptant si nécessaire, par essais avec le groupe des Tchantchès, certaines chorégraphies à la musique. Si elle ne l’avait pas fait, peut-être aurions-nous officiellement plusieurs partitions dont les curiosités rythmiques seraient apparues comme normales ?

Remarquons encore l’existence d’un autre document de Rose Thisse-Derouette, une partition manuscrite intitulée “La matelote”, collectée à Verviers auprès de Mlle Grosjean, et qui contient une première phrase de 5 mesures (sans signe de répétition) suivie d’une phrase de 8 mesures (avec signes de répétition).

Verviers nous fait penser à René Hausmann, jadis leader du groupe Les Pêleteûs, dont le 33 tours contient une “Petite Maclote” avec un temps supplémentaire… mais René était connu pour son envie de faire des blagues…

Gardons aussi à l’esprit que Schmitz a progressivement enjolivé certains airs en empruntant, entre autres, des éléments des fascicules de Rose Thisse-Derouette et Jenny Falize. N’ayons donc pas trop de scrupules à modifier nous-mêmes ses airs, surtout si c’est dans le but de se rapprocher des danseurs.

Enfin, voici un enjolivement appliqué aux premiers temps des mélodies, qu’il s’agisse de menuets trouvés collés sur la couverture du manuscrit Houssa, ou de maclotes jouées par Jules Labasse :

“… un menuet en ut faisant davantage usage d’arpèges et surtout de triolets au premier temps, ce qui, dans l’intention des instrumentistes populaires, doit aider au rythme des danseurs ainsi que nous le démontra M. Jules Labasse, accordéoniste et accompagnateur des Harkès de Harre, qui rejoue mainte maclote en brodant ainsi les premiers temps pour leur donner plus de son (Thisse “le recueil de danses manuscrit…” p.38-39)

C’est donc une preuve éclatante que les airs, qu’ils soient écrits ou enregistrés, ne doivent pas être figés. Les anciens faisaient la même chose que nous, en s’adaptant à l’humeur et à l’ambiance du moment.

Sur le même sujet, quelques exemples plus récents permettent d’élargir l’horizon. Nous avons remarqué que, sur le LP “Belgique – België. Ballades, danses et chansons de Wallonie et de Flandre” (BRT et Ocora, 1981), la partie B de la Maculotte jouée par Maryse Hennin (violon) et Bernard Vanderheyden (épinette) a un rythme nettement plus marqué que ce que la partition du manuscrit Lambert contient. L’épinettiste d’alors nous a expliqué cette différence, sans se limiter aux maclotes ni à la Wallonie :

Les partitions qu’on trouve dans les manuscrits des ménétriers sont des aide-mémoire, qui ne reflètent pas la manière de jouer. En pratique, les musiciens (ménétriers et autres) adaptent la mélodie de base pour que le rythme et le phrasé soient au service de la danse.

Ainsi, par exemple, à l’époque baroque, dans certains pays du moins, on appliquait  les ornements (surtout pour l’articulation), l’inégalisation et la diminution (de la longueur des notes) pour rendre la mélodie légère et entrainante. Et ceci sans que ce soit noté dans la partition.

Ce principe se retrouve dans toutes les traditions. Lorsque nous avons fait venir le groupe autrichien Die Steirische Tanzgeiger en 1988 (pour un stage), les musiciens ont identifié les valses du Jamin en les localisant clairement chez eux et nous ont montré comment il convenait de les jouer.

De même, nous avons trouvé en Brabant-Wallon (mais c’était valable ailleurs aussi !) la manière dont le « Bal champêtre » était joué : vif et sautillant. De même pour la maclote (songez au poème d’Apollinaire « c’est la maclote qui sautille »). Et donc, lors de l’enregistrement de la Maculotte en 1980 avec Maryse Hennin, nous avons opéré ce choix qui plaît aux danseurs et qu’on peut essayer d’écrire en solfège comme suit:Maculotte jouée

NDLR : On relève facilement trois types de différences entre les deux partitions :
– la présence de nombreuses notes “piquées” (raccourcies; avec un point au-dessus de la note)
– la présence de quelques “accents” (le signe > placé au-dessus ou en dessous de la note)
– un gros changement rythmique au début et au milieu du B : la croche devient “pointée” (elle s’allonge), désormais suivie de triples croches, et tout cela débouche sur une note piquée.

Ce que nous avons appelé “curiosités rythmiques” chez Henri Schmitz et chez Jules Labasse, peut donc très probablement être considéré comme une aide aux danseurs, même si l’ajout d’un temps est de nature plus radicale. Simplement, il est inhabituel de l’entendre dans des enregistrements de collectage, qui ont souvent lieu en l’absence de danseurs.

La chorégraphie et les pas

D’après les descriptions de Thisse-Derouette, les formes de la danse sont variées : à l’anglaise (une colonne de filles face à une colonne de garçons), à la française (en quadrille), en quadrette (deux couples face à face), à quatre couples se faisant face deux à deux, voire en rond.

Cette forme ne semble pas dépendre du rythme 2/4 et 6/8, et il en est de même des pas : glissés, chassés, sautillés, martelés, de polka ou encore “de maclote”, ce dernier étant paradoxalement peu présent.

On peut donc se demander pourquoi on a donné un même nom « maclote » à un tas d’airs différents qui se dansent de manière différente. Tout ce qu’on peut dire, semble-t-il, c’est que la maclote est un genre de contredanse où les pas martelés sont souvent présents. Nous avons demandé l’avis d’un spécialiste, Marc Malempré, en juillet 2022 :

Q : Marc, c’est quoi, une maclote ?
R : La maclote est issue des contredanses du 18è. Que ce soit en carré ou en lignes, elle provient des longways. La principale différence avec les autres contredanses réside dans les pas. On trouve une plus grande variété de pas et de figures dans d’autres contredanses, qui sont donc plus compliquées ; or, on a du plaisir dans ce qu’on connaît bien, c’est comme dans les bals folk.
Q : les maclotes n’ont pas de caractéristiques particulières ? Il n’existe pas de « pas de maclote » ? Et on pourrait parfaitement danser une scottische sur beaucoup de maclotes ?
R : Si on le souhaite … et on pourrait aussi prendre les amoureuses, qui ont le même rythme, pour des maclotes. Mais pas les sabotières, qui sont des  «boulangères» de la révolution française, et les passe pieds, qui ont un pas plus spécifique et difficile. Et, non, les maclotes ne sont pas difficiles, mais elles sont variées : là où Marcel Havelange fait un pas de maclote croisé en avant, Peterkenne fait un pas de maclote croisé en arrière.

Bernard Vanderheyden va à peu près dans le même sens :

Q : Bernard, est-ce que quasiment n’importe quel air peut se jouer en maclote ?
R : Oui, si le musicien y met les bons accents. Tu regardes les mouvements de la danse et tu calques l’interprétation de l’air sur la danse. Il n’y a vraiment pas de problème à jouer en maclote un air en 4/4. Ce qui fait une maclote, ce n’est pas tellement l’air mais les pas et figures.
Q : Qu’est-ce que le “temps levé” a éventuellement à voir avec les maclotes ?
R : Le temps levé (ou anacrouse) n’est pas caractéristique de la maclote, mais bien de la polka. Quand dans la description de la danse il est mis « pas de polka » (comme dans l’exemple de Pinon), ça ne veut pas dire que ce soit une polka mais bien un pas qui fait « 1,2,3— », alors que la polka fait « et 1,2,3— ».

L’origine; et quelques maclotes hors de Wallonie

Ou plutôt : les origines, vu la diversité des airs. Outre la discussion « celtique ou pas » ci-dessus, des argumentations ont été développées pour deux airs : la Vieille Matelote (en 6/8) des manuscrits Houssa et Wandembrile, et une maclote en 2/4.

Pour la Vieille Matelote : selon Rose Thisse-Derouette (vol.5 des « Danses populaires de Wallonie »), la « gigue-matelote » en 6/8 provient d’une gigue de l’Essex intitulée « The Female Saylor » par l’intermédiaire d’une composition intitulée « la matelote » de Raoul Feuillet (compositeur et maître de danse à Paris, a publié un système de notation de la danse en 1700, et plusieurs recueils ; son «Ve recueil de danses de bal pour l’année 1707» publié en 1706 contient la matelote avec une chorégraphie en colonnes, et pas sautillés).

Ces airs sont en effet quasi identiques. On a ensuite trouvé que Feuillet reprenait souvent des compositions musicales d’autres personnes comme Lully ou Marin Marais. Ce dernier, joueur de viole de gambe, compositeur prolifique, a écrit un opéra «Alcyone» en 1706 dans lequel on trouve « La Matelote ». Peut-être un jour trouvera-t-on que Marin Marais s’est inspiré de X ou Y … Toujours est-il que cette danse est toujours populaire Outre-Manche (vous en trouverez de nombreux exemples sur YouTube, en encodant « The Female Saylor »).

Quant à ce que Thisse appelle la « matelote-branle », celle en 2/4, ce serait selon elle l’air Soldier’s Joy (un reel écossais très répandu) qui aurait été amené par des soldats ou marins écossais remontant la Meuse à l’époque de la Sixième Coalition (une guerre de Napoléon 1er, 1812-1814). Et, de fait, Soldier’s Joy ressemble très fort à la deuxième maclote du manuscrit Houssa, ainsi qu’à la « maklotte » de Servais (dans la revue Wallonia tome 1).

Il est à noter, pour la petite histoire, que « Soldier’s Joy » figure sur le disque de l’Anthologie du Folklore wallon « Les Wallons du Wisconsin » joué par le violoniste Ralph Massart, agriculteur à Rosière, Wisconsin (plage B8).

Bernard Vanderheyden nous dit à ce propos : « La diffusion n’a rien à voir avec la Meuse: il n’y a pas de matelots sur la Meuse, mais bien des mariniers ou bateliers. Dans le premier quart du 18ème, suite à Feuillet, on voit des maclotes dansées en Provence et dans le sud-ouest. Elles sont sans doute arrivées chez nous, et ont été diffusées par les ménétriers. On trouve aussi des maclotes dans l’Eiffel. »

Dans des dictionnaires en ligne, on peut lire ceci : Mot wallon (Ardenne, Hesbaye), attesté en 1780 (sous les formes maclote et mat(e)lote) par le poète liégeois J. J. Hanson.

Thisse, dans son « Recueil de danses manuscrit d’un ménétrier ardennais » (1960, p.103), rapporte plusieurs opinions et témoignages en faveur de la remontée des matelotes depuis la Provence : Roger Pinon émet cette opinion, une attachée au musée d’Arles certifie que la matelote a été amenée dans sa région par des marins de la base de Toulon, une conseillère au folklore bordelais attire l’attention sur le nombre de compositions de type « gigue-matelotte ».

Jean-Michel Guilcher, dans son livre « Traditions de danse en Béarn et Pays Basque français », écrit : « Anciennes danses de caractère, passées comme tant d’autres des grandes scènes aux petits théâtres, aux casernes, aux sociétés de province et aux milieux populaires, les matelotes ont été nombreuses dans le midi et le sud-ouest français. (…) La matelote se caractérise à la fois par une mélodie propre et par un pas typique employé dans sa seconde partie ». Il ajoute que dans sa zone d’étude, elle est classée comme un saut béarnais. Enfin, la mélodie qu’il donne (p.379), en 2/4, ne ressemble pas à nos airs de maclotes.

Maklott

 

 

En Allemagne, Änne Gausebeck écrivait en 1930 (“Rheinische Volkstänze”, Verlag von Friedrich Hofmeister in Leipzig) à propos de la période où les cantons de l’est n’avaient pas encore été rattachés à la Belgique : “La danse Maklott provient d’une partie du Rheinland où l’on parle wallon.”. Elle livre ensuite deux descriptions détaillées de la danse : à la manière wallonne, et à la manière allemande. Quant à la mélodie, c’est celle d’une maclote de Malmedy, celle qu’Elisabeth Melchior joue dans l’Anthologie du Folklore Wallon volume 4.

Relevons aussi la présence de matelotes (et non de maclotes qui semblent ne pas exister en France) dans le Nord de la France. Au moins six “Matelotes” figurent ainsi dans le manuscrit d’André Dupont, qui fut entre autres carillonneur à St-Omer. On peut en entendre une dans un cd de l’ensemble Beffrois, ainsi que dans celui du groupe Smitlap qui la fait précéder de notre Matelotte de la Fange.

Quant à la Hollande, Rose Thisse-Derouette écrit : « il ne faut pas confondre notre Matelotte avec la Matelotte Hollandaise qui déjà en 1767 n’était plus en usage.  Cette Matelotte Hollandaise, avant d’être contredanse d’Empire, fut une danse de marins dans un tout autre style que la Matelotte qui inspira notre Maclote ». “Elle est encore dansée dans l’île de Marken en solo, les bras croisés devant la poitrine, puis avec des mimiques imitant les différentes manoeuvres de marins sur leurs bateaux.”

Mais, collision de dates, Rose Thisse-Derouette cite dans La Vie Wallonne du 2ème trimestre 1958 un ouvrage de 1767, du maître à danser J.M. de Chavanne, qui aborde d’abord les préalables à la danse en ces termes :

Avant de savoir danser, je serais toujours d’avis que l’on apprît à marcher. On ne danse pas tous les jours, mais l’on marche tous les jours, on salue tous les jours. Y a-t-il quelque chose de plus utile aux jeunes gens que d’apprendre à lever son chapeau, faire une révérence de bonne grâce, entrer dans un appartement d’un air aisé, marcher avec aisance, sans se contrefaire, comme la pluralité des Marionnettes que l’on voit tous les jours?”

ce qui rend hommage à son propre maître après avoir appris à danser…

… d’un fort mauvais maître qui ne savait qu’écorcher le Menuet, et quelques folies comme le Passe-pied, la Matelotte et quelques autres danses de cette façon, qui ne sont à présent plus d’usage

Thisse ajoute : “Il faisait là allusion à d’anciennes danses rurales : le Passe-pied de Bretagne, la Matelotte écossaise, cette dernière adoptée à l’époque de la Régence en même temps que les triomphantes Contredanses (…)”

La Régence, c’est une période de 8 ans, de 1715 à 1723. La “matelotte écossaise” (sur l’air de Soldier’s Joy) est un genre de contredanse qui aurait été dansée dans les salons durant un demi-siècle.

Les analyses ci-dessus manquent parfois d’un peu de clarté. On nous dit qu’une “matelotte écossaise” serait arrivée chez nous début 19ème avec des marins ou soldats écossais; on nous dit aussi qu’elle aurait disparu vers 1767 des salons français, selon Chavanne qui était admirateur de Feuillet, lequel Feuillet a popularisé dans les salons français (et autres) une matelote en 6/8. Et il y eut aussi une “matelotte hollandaise” dans ces mêmes salons, avant 1767.

De toutes façons, de nombreux airs de maclotes n’ont rien à voir avec Soldier’s Joy ni avec la Matelote de Feuillet. On peut supposer que des ménétriers suffisamment doués aient créé ces autres airs – tout comme des maîtres de danses auraient pu varier les chorégraphies, ou alors qu’il s’agisse d’autres airs importés. In fine, le terme « maclote » serait devenu générique.

Pour en terminer avec les maclotes en dehors de la Wallonie, relevons encore une “Matelotte hollandaise” dans Thisse Vol.2, avec comme seule mention ‘Manuscrit du Musée de la Vie Wallonne 1805″, lequel musée se dit incapable de nous aider sur ce point. Ainsi qu’une matelote, trouvée par Jean-Pierre Wilmotte, dans Johannes De Gruytters, carillonneur anversois. Et enfin une curieuse version en 2/2 provenant du manuscrit de Petrus Josephus Van Belle de Viane près de Grammont. Ce manuscrit date de 1743. Pour les maclotes dansées au Grand-Duché de Luxembourg : voir le Canard Folk de septembre 2024 qui relève notamment que la mélodie de notre maclote de Steinbach y est utilisée pour danser deux nouvelles chorégraphies créées par des danseurs luxembourgeois (« Maclote Lente » et « Maclote Quadrille »).

Et en Provence , le groupe Mont-Joia sur la piste B03 de son LP nous livre une suite « bonjour, belle voisine; danse du littoral ». 

Présence géographique en Wallonie

On trouve des maclotes dans les Ardennes, dans les provinces de Liège, Namur et Luxembourg, mais pas dans le Hainaut ni le Brabant, à défaut d’avoir retrouvé des manuscrits dans ces deux provinces. Mais, malgré le profil apparemment urbain de Wandembrille, pourrait-on supposer qu’il en ait joué dans la partie du Brabant Wallon qui est proche de Namur ?

Selon Bernard Vanderheyden, Wandembrille était bien un ménétrier, car il jouait des tas d’airs différents, notamment beaucoup de marches : ce n’était pas un maître à danser. Les ménétriers enseignaient eux-mêmes les danses. Wandembrille était sans doute actif dans un miieu urbain/bourgeois, mais il voyageait, tout comme de nombreux ménétriers sans doute”.

Par contre, Rose Thisse-Derouette (“Le recueil de danses manuscrit d’un ménétrier ardennais”, p.37) écrit : “En tout cas, il ne fut pas ménétrier : son répertoire ne répondait pas encore au goût des villageois, ou n’avait pas encore pénétré chez eux”.

Les suites de danses

Les suites de « vieilles danses » ou « petites danses » (petites car elles seraient musicalement plus courtes) se sont imposées « lorsque les quadrilles dits français ou américains envahirent les bals bourgeois vers 1840 » (Thisse vol.9). C’est la maclote, l’allemande et l’amoureuse. Du côté d’Erezée on y ajoutait li tchéna (c’est la ronde de la boulangère, l’aredj de Malempré …) tandis qu’à Burnontige on y ajoutait une « vive maclote ».
Les petites danses furent dansées par les vieux en fin de bal, alors que la jeunesse dansait les danses à la mode. Si des fins danseurs étaient présents, le ménétrier pouvait ajouter « pour la rawète » un passe-pied, dont les pas sont plus difficiles.
Commentaire d’André Deru : « rawette » signifie en wallon, « un petit plus » un « petit cadeau » à l’époque où les danses étaient payantes soit à l’unité ou par série que ce soit par collectes, ou par tickets… Le fait d’offrir une danse aux bons danseurs était très apprécié, c’était un vrai cadeau de la part du musicien. Cela a donné son nom au  passe-pied de la suite d’Habiémont dit « pô l’rawette » mais cela devait se pratiquer pour d’autres danses aussi suivant la satisfaction du musicien et cela contribuait certainement à l’ambiance.

Noms de maclotes et noms de villages

« Chaque village avait à cœur d’avoir sa maclote particulière » (Thisse vol.8, p.6). Sans doute est-ce un peu exagéré. D’ailleurs, on sait que Rose Thisse-Derouette et Jenny Falize ont donné des noms à toute une série de maclotes, qui dans les manuscrits n’ont généralement pas d’autre titre que “maclote” ou “matelote”. Exemples : la Maclotte de Journal-Champlon (Thisse vol.5, n°3) s’appelle “N°7 Maclotte” dans le manuscrit Lambert; la « Pôtêye matelotte » (Thisse vol.5, n°7) s’appelle « N°3 Matelotte » dans le manuscrit de Houssa.
Cependant, Fanny Thibout écrit ceci à propos des alentours de Malmedy dans “Les danses de la Lyre Malmédienne”, repris en 2007 dans “Fanny Thibout, son folklore, ses amis” :
Chaque village, chaque commune tenait à sa propre façon d’exécuter la danse. C’est pourquoi nous voyons, à Malmedy et aux environs immédiats, un pas croisé devant, tandis qu’à Stavelot, le pas est croisé derrière, et qu’à Harre il n’y a pas de pas croisé mais les épaules accompagnent le pas d’un mouvement effacé. Le mouvement chassé  – traversé – croisé est réalisé de façons différentes à Malmedy, à Stavelot, à Harre, à Trois-Ponts, etc.
(…) A-t-il fallu la fantaisie ou l’art d’un danseur de village pour établir ces variantes ? Nous serions tentés de le croire : de tout temps, le danseur a aimé se faire valoir auprès de ses compagnons, et surtout de ses compagnes. De là proviennent, probablement, ces variantes dans l’exécution d’un même pas ou d’une même figure, que nous trouvons dans notre pays wallon.
Tout cela – suites de danses et noms de maclotes – est à nuancer, car on connaît des collecteurs, dont Remy Dubois et Colette Robert, qui ont fait la connaissance d’une dame d’environ 90 ans, qui faisait partie d’une famille de musiciens professionnels : son père jouait de la clarinette, son frère du violon, ils composaient leur répertoire constitué de danses de couples. Elle-même jouait de l’harmonium, un instrument pliable qu’elle emmenait avec elle en train. Elle ne jouait pas de danses spécifiques à un village, mais ceux qui l’ont vue ont pu penser le contraire.
Quant à la “suite de Vieuxville”, c’est une partition qui a été écrite probablement entre les deux guerres, dans une sorte de pré-folklorisation avec des gens en foulard à pois et en sarrau qui s’en servaient comme support.
Notons quand même que le manuscrit Houssa contient deux maclotes associées à des lieux : celle de La Fange (hameau de la commune de Harre) et la “Matelotte Benas” (Benace est un lieu-dit à Dochamps). Dans Micha, on trouve une maclote dite “dol Lodomez” (hameau de Stavelot), et une autre dite “de la Gleize” (Stoumont)
Par ailleurs, les Annales de l’Institut Archéologique du Luxembourg (en 1891, tome 25), appelées couramment “le Tandel” (dictionnaire des communes luxembourgoises), relatent une kermesse à Steinbach au 18è s (c’est l’instituteur communal M.Marchal, qui l’écrit en 1877) :
Le bal commençait sur la prairie. C’était d’abord les danses du curé : le maître-jeune-homme les criait. M.le curé prenait la main d’une notable et faisait un carré. Il se retirait ensuite en recommandant la paix et le respect de l’étranger.
Suivaient les danses du maïeur et successivement celles des villages voisins. Les étrangers présents prenaient part aux danses de leur endroit.
(…) Que dansait-on ? La maclotte, la charbonnière, le menuet, les papiers blancs, l’amoureuse en face, l’amoureuse de Bastogne.
Donner la chorégraphie de ces danses, je ne le puis, pour bien des raisons; je me suis contenté de transcrire la musique d’une maclotte, danse qui n’est encore qu’en désuétude, tandis que les autres ont disparu, du moins à Steinbach et dans les environs.”
Suit la partition de cette maclote.
Que retenir de cela ?
Tout d’abord que les villages voisins avaient chacun leurs propres danses, qui n’étaient pas les mêmes que celles de Steinbach.
Ensuite que les musiciens voyageaient nécessairement d’un village à l’autre, puisqu’ils savaient jouer les danses des autres villages.
Enfin, que nous avons avec certitude la partition d’une maclote de Steinbach, mais pas sa chorégraphie.
Tout cela ne nous empêche pas de constater que plusieurs airs différents peuvent avoir le même nom de village (ou ville). Autrement dit, certains villages étaient supposés plus riches en maclotes que d’autres sans qu’on ait pris la peine de les distinguer par des noms différents.  Exemples :
Maclote de Stavelot
– Dans Thisse volume 9, n°11
– Celle jouée par le Réveil Ardennais : elle a indéniablement des points communs avec la précédente, mais aussi des différences notables
– Celle fournie par Roger Pinon dans le livre « Dances of Belgium », indansable en maclote selon Thisse; dansable en maclote si le musicien y met les bons accents selon Bernard Vanderheyden
– Dans Thisse vol.7, n°1-B,C : Maclotte de « Stavelot et Malmedy », c’est une variante de la maclote d’Habiémont
– Celle du manuscrit de Jean Graff (elle s’intitule simplement « Maclotte », mais Graff est probablement de Stavelot)
Maclote du Val de Salm
– « Maclote de Trois-Ponts (ou du Val de Salm) » jouée par le Réveil Ardennais
– « Maclote du Val de Salm » dans Thisse vol.8 n°13 : identique à la précédente
– en outre, la chorégraphie d’une “matelotte” de forme (AABB) x 2 a été collectée par Marc Malempré auprès de Camille Lekeu, de Trois-Ponts; la musique était trop imprécise que pour pouvoir être notée.
Maclote de Chêne al Pierre
– Dans Thisse vol.7 n°1-E : c’est une variante de la maclote d’Habiémont
– Dans Thisse vol.8 n°1
Maclote de Burnontige
– Dans la revue Wallonia tome 5  (1897 p157-158)
– Dans Thisse vol.7 n°1-D : c’est une variante de la maclote d’Habiémont
– Dans Thisse vol.8 n°2

Maclotes chantées

On connaît très peu de maclotes chantées, peut-être parce que leurs paroles n’étaient guère « convenables » ? Thisse, dans son fascicule 8 (p.7) raconte ceci :
Jacques Jamoye, de Chevron, alors réputé « fin danseû d’passe-pîd », me chanta la maclote de Burnontige, dont le moins que l’on puisse dire est qu’elle est fort épicurienne … et la façon de la danser s’en ressent ! Les paroles sont tout un programme : « A l’fièsse di Bûrnontidge, Enna qu’a s’aperçuront D’aveûr magnî dèl tripe Et dè bons crâs djambon. Si d’j’l’aveû sépou, dj’n’areûs nin tant magnî Dè l’tripe amon Tchantchès Mins dj’areûs huflé quéqu’s hènas d’îr pèkèt Et dèl bîre â tchâdron ! » (A la fête de Burnontige, il y en a qui s’apercevront D’avoir mangé de la tripe Et du bon jambon gras. Si je l’avais su, je n’aurais pas tant mangé de la tripe chez François Mais j’aurais ingurgité quelques petits verres de genièvre Et de la bière au chaudron) – allusion à la grande quantité de bière que les Ardennais buvaient « par pots et chaudrons ». Le pèkèt circulait, vidé dans un seul verre pour tout le monde. Cette maclote était réservée aux agapes familiales.
Jacques Jamoye ajoutait : « Nous n’avions pas besoin d’un joueur pour nous amuser. On chantait tout en dansant la maclote. »
Ceux qui cherchent un peu plus de raffinement se tourneront vers le poème « Marie » qu’Apollinaire écrivit en 1912, en souvenir de son bref passage à Stavelot en 1899 :
Vous y dansiez petite fille,
Y danserez-vous mère-grand ?
C’est la maclote qui sautille,
Toutes les cloches sonneront (…)

Jeanine Moulin, une de ses biographes, appliqua ces quatre premiers vers à un air de maclote très connu à l’époque, celui d’une des maclotes de Stavelot – celle qui est une variante de la maclote d’Habiémont. Autrement dit, vous pouvez aussi les chanter sur le A de la maclote d’Habiémont : avec un peu d’attention, ça marchera.
Enfin, dans le manuscrit d’Eugène Micha figure « Lu p’tit bonhomme – maclotte n°3 » avec des paroles partielles :
phrase A1 : Lu p’tit bonhomme qui r’vint do boé, avon ses hèpes et ses cougnées (le p’tit bonhomme qui revient du bois, avec ses haches et ses cognées)
phrase B1 : Ya véve es-tu taillé du boè,
po fé lu nouné et l’tcafé

Maclote d’Habiémont : le « tube »

Reprenons ce qui vient d’être dit à propos du poème d’Apollinaire, afin de voir comment on arrive à la maclote d’Habiémont. C’est de nouveau Thisse qui nous guide, dans son fascicule 7.
– Jeanine Moulin, une des biographes du poète Apollinaire, applique les quatre premiers vers du poème « Marie » à un air de maclotes très répandu à Stavelot que lui avait donné Vital Bernier « joueur de trombone dans les fêtes de villages ardennais aux environs des années 1900 »
– Clément Scheuren, de Malmedy, connait aussi cet air, le note et crée un accompagnement
– l’air et l’accompagnement sont reproduits par Albert Marinus dans « Le Folklore belge », tome 3
– Ernest Closson transmet l’air complet à la revue Le Folklore Brabançon de 1939
– le même air était connu des « vîs djoweûs d’Habiémont » selon un témoignage de 1948 à Thisse
– L’air lui a été joué en 1954 par Jules Labasse, l’accordéoniste des Harkès, qui tenait son répertoire « du plus fameux joueur de danses d’Ardenne », Antoine Close qui le tenait lui-même de son père violoniste. En jouant la version du nord de la province de Luxembourg, il assura à Thisse qu’elle devait dater au moins de 1850.
– En décembre 62, l’air lui a été joué par Constant Charneux qui l’avait appris d’un de ses oncles près de Wiltz dans le Grand-Duché.
– De plus, l’air figure dans la suite de Burnontige, mais noté erronément avec une anacrouse.
Et cet air est donc : la maclote d’Habiémont ! avec différentes variantes relevées à Stavelot, Malmedy, Burnontige, Chêne-al-Pierre et Bastogne. Un « tube », donc.

Cas particuliers

Deux airs en 4/4 avec croches pointées ont été notés par Roger Pinon dans la région de Stavelot (dans « Dances of Belgium » par Roger Pinon et Henri Jamar, Max Parrish & Co, Londres 1953) : avec ce rythme inhabituel, ce ne sont peut-être pas des maclotes bien qu’ils en portent le nom, mais sont inclus dans notre liste. Selon Thisse (vol.9 p31), la première mélodie est une déformation de l’air traditionnel ; écrite en 4/4, elle serait indansable en maclote. La seconde, notée « second maclote », s’écarte encore plus de l‘allemande ou « vive maclote » traditionnelle qui est en 6/8. Selon Bernard Vanderheyden, ces deux mélodies en 4/4 sont pourtant jouables et dansables en maclote si le musicien place les bons accents, comme tant d’airs qui ne contiennent pas “maclote” dans leur titre.

La Paliseul : « Le village de Paliseul (…) était renommé pour sa maclote pas comme les autres. Les mestrés s’en transmettaient l’air, la façon de régler le pas et de commander les figures (…) Les mestrés, entre eux, appelaient cette danse “La Palisse” » (Thisse vol.8 p20). Bien que l’air ne soit pas intitulé « maclote », il est donc inclus dans notre liste.
Maclotes composées : jusque récemment, nous n’en connaissions qu’une, celle de Jean-Marie Verbaeys en l’honneur de Jenny Falize (qui elle-même a composé une chorégraphie). Ensuite, deux compositions de Jean-Pierre Wilmotte s’y sont ajoutées. Elles sont toutes incluses dans notre liste.

Maclote de nom di djo : jouée par les Zûnants Plankets sur le 33 tours Champs 75 avec l’indication « (trad.) », son caractère traditionnel est pourtant mis en doute par certains. Selon Bernard Vanderheyden, le nom a été inventé par Jacques Fettweis, et la tournure harmonique à la fin du B est plutôt moderne ; mais surtout, le B serait un copié-collé du A de l’air anglais The Litchfield Tattoo. Personnellement, je trouve que cette maclote ressemble fort, à quelques détails près, à l’air du branle du Quercy (publié dans le Canard Folk de février 2022) dont le B serait joué à la tierce. Quoi qu’il en soit, cette maclote est incluse dans notre liste.

Matelotte 1950 : c’est Thisse qui en donne la partition (« Le recueil de danses manuscrit … » p.111) telle que jouée par Jules Labasse à l’accordéon diatonique. Ce dernier aurait déformé une matelote existante pour la rendre jouable au diatonique. La partition a pourtant 4 dièzes à la clé, et juste en dessous figurent des explications qui n’ont rien à voir avec une maclote. Je suppose donc que Thisse s’est trompée de titre et a confondu deux illustrations : l’illustration hors texte 21a qui est une page du manuscrit Houssa contenant plusieurs airs dont la « matelotte N°1 » (son titre est illisible mais les notes sont bien reconnaissables), et l’illustration dans le texte 21b, qui est titrée « Matelotte 1950 » mais avec des commentaires sur un « chassez l’allemande ». Dans les deux cas, jouer cet air avec 4 dièzes à la clé sur un « petit accordéon diatonique » paraît étrange, quoique pas impossible. Cette « matelotte 1950 » n’est pas incluse dans notre liste.

Maclote d’Arlon : cette maclote n’existe pas ! Pourtant, sur le 33 tours du festival de Champs 75, une annonce rapide « la maclote d’Arlon » est faite juste avant que le groupe Arel Clique commence à jouer « zu Arel op der Knippchen ». Un membre de cet ancien groupe m’a confirmé que ce n’était pas sérieux.

Maclote de Steinbach : on a vu plus haut que sa chorégraphie n’a pas été notée par l’instituteur Marchal. Pourtant, le groupe Trivelin l’a jouée d’innombrables fois en bal. Jacqueline Servais nous dit :
Je pense que c’est initialement une maclote parce que M. Marchal l’appelle maclote et qu’elle comportait sans doute des pas de maclote. C’est en tout cas ce que décrit Aimé Boterberge ( Les métallos de la Chiers ), qui reprend apparemment la version du groupe de danses grand-ducal d’Ucht.
C’est Walter Lenders qui, dans les années 1990, a repris cette mélodie attrayante et en a fait une danse en rond en pas marchés, sans pas de maclote, dans un but de simplification pour les bals folks. Et ça a marché, puisqu’on la danse encore toujours dans la plupart des bals folks, alors qu’on ne voit jamais de vraies maclotes, sauf dans les groupes de danse. Mais c’est un peu iconoclaste ! Et c’est bien postérieur à la version de d’Ucht qui la dansait dans les années 1970 avec un groupe de danse en costumes 18ème.
Et c’est Guy Schons, un musicien luxembourgeois, acteur du revival folk au Grand-Duché dans les années 70, qui nous l’a fait connaître et en a fait un très bel arrangement qu’on trouve sur le 33t “O wär ech dach am Gréngewald” de son groupe Dullemajik en 1980 (plage 2 intitulée “Ronde”).
Guy Schons a notamment ajouté une intro et une conclusion en 2/4, et a transformé le rythme de 6/8 en 3/4. La mélodie initiale se trouve aussi dans l’ouvrage “L’âme des humbles” de Louis Banneux en 1912 qui dit l’avoir recueillie à Dochamps.

« Souvenir du Vieux-Liège 1905 » : une partition de grand format pour piano a été éditée chez J.B.Katto à Bruxelles sous le titre « Les Maclottes – ancienne danse du pays – Souvenir du Vieux-Liège 1905 – dansée par les Bottresses du Nord – pour piano par A.Hannay ». La couverture illustrée de cette partition a été publiée dans le Canard Folk en janvier 2022 sur une pleine page ; sa présentation fait croire que A.Hannay est le compositeur des trois pages de la partition. Cependant, Thisse écrit (vol.8, p4) qu’il s’agit d’un air liégeois très connu « Grand-mère a mètou s’tchapê » juxtaposé à la maclote « version Servais », autrement dit au reel « Soldier’s Joy ». Et en effet, après 48 mesures d’un premier air étalé sur deux pages, on reconnaît la maclote mais sous la forme ABA (3 phrases de 8 mesures). Quant au premier air, c’est la “maclote liégeoise” qui figure dans le livre sur Fanny Thibout, sous la forme AABB AA; nous n’avons pas trouvé de lien avec une chanson du genre “Grand-mère a mis …” qui est en réalité un des airs des Gilles de Binche dont Hubert Boone a étudié les variantes européennes (Les Cahiers Binchois, 2013).

“Anglaise” sur le cd de Topaze :
Une maclote de Houssa figure sur le cd de Topaze en 1996, dans une suite de deux morceaux (le second est une “amoureuse”) intitulée « Anglaises », avec comme seule précision « diminution et inégalisation Bernard Vanderheyden ». Le rythme très marqué joué par les musiciens est du genre « croche pointée – double croche », qui peut à première vue faire penser à un hornpipe (bien que ce ne soit pas caractéristique des hornpipes) . Nous avons demandé à Bernard Vanderheyden d’expliquer sa démarche. Il nous a répondu :
Je ne suis pour rien dans la décision de placer ces deux morceaux sous un titre « Anglaises ». Je ne me suis pas occupé non plus de l’arrangement de la matelote. Par contre, j’avais expliqué aux deux accordéonistes (lors d’un stage d’accordéon en 1995, avec Louis Spagna) les principes de diminution et d’inégalisation comme manière de créer des variations dans un air. La diminution, c’est une manière de varier une mélodie en brodant autour des notes en diminuant leur valeur, par exemple en remplaçant certaines noires par deux croches. L’inégalisation consiste alors à remplacer des ensembles de plusieurs croches par une alternance de « croche pointée – double croche ». Une pratique courante déjà avant l’époque baroque. Après avoir exposé le thème, on pratiquait souvent la diminution (avec ou sans inégalisation). Ceci n’étant pas nécessairement noté dans les partitions. Une pratique que les ménétriers ont sans aucun doute imitée.
On peut regretter que Topaze n’expose pas le thème initial de la matelote avant de jouer les variations. En tout cas, cette mélodie n’est pas devenue un hornpipe : elle reste une maclote, parce qu’elle sert à faire danser la maclote.
NDLR : revoyez aussi l’explication similaire donnée dans le chapitre « Le rythme et la structure » par Bernard Vanderheyden à propos de la « Maculotte » enregistrée en 1981.

Liste de (groupes de) maclotes

Liste de (groupes de)  maclotes

Perspectives

Quel est l’état de santé actuel des maclotes, et comment pourrait-il évoluer ?
Tout d’abord, rappelons que la question “Qu’est-ce qu’une maclote” n’a actuellement pas de réponse précise. On est d’accord pour dire qu’elle fait partie de la famille des contredanses, mais l’unanimité s’arrête là :
– la danse doit-elle contenir des “pas de maclote” bien définis ? Mais on n’en connaît que deux ou trois …
– l’air peut-il être en 6/8 ? Si on répond par la négative, on élimine la “Vieille matelote” …
– toutes les danses qui ont “maclote” ou “matelote” dans leur nom sont-elles automatiquement des maclotes ? En n’oubliant pas que Rose Thisse-Derouette a inventé un certain nombre de titres et de descriptions.
– les airs d’amoureuses peuvent être très proches d’airs de maclotes, au point de tromper des spécialistes. Faut-il continuer à les étudier séparément ?
Jusqu’à preuve du contraire, les maclotes sont dansables en bal folk moyennant explications détaillées, un peu comme dans les ceilidhs ou dans les bals québécois. Il y a certes un public pour ces types de bal, mais on ne peut pas dire que c’est de cette manière que les maclotes se populariseront.

Nous suggérons donc de simplifier systématiquement mais progressivement les descriptions actuelles des danses, un peu comme Walter Lenders l’a fait pour la maclote de Steinbach, d’en limiter le nombre de figures et d’y introduire l’utilisation d’un “pas de maclote” (ou éventuellement plusieurs, mais en nombre limité) qui reste(nt) à définir, à charge des maîtres à danser de s’entendre sur un plus petit commun dénominateur.
Et, bien sûr, un peu de marketing serait utile, mais on sait que cela ne motive guère les folkeux wallons. Et ce n’est pas spécifique aux maclotes. Etre fier de la musique et de la danse wallonnes, montrer que ce n’est pas forcément ringard, composer de nouvelles mélodies, mettre un nom sur différentes sortes de bal (un ceilidh wallon ? Un bal trad wallon, un bal folk wallon …) …

Anecdotes

 

Maclote de Theux

Nous avons reçu ceci de Jean-Léon Dewalque :

Fin des années 90 je faisais partie des Zimtheux, groupe de musiciens amateurs de Theux.
Ce groupe était à la recherche de nouvelles danses et mélodies.
Je leur ai proposé de créer une suite de contredanses à l’ancienne telles que je les avais apprises avec le « Réveil ardennais » de Stavelot.
Il s’agissait d’une suite composée comme suit :
1 Allemande : « Allemande-de-Theux » dite aussi « Allemande-theutoise »
1 Amoureuse : « Amoureuse-de-Theux » dite aussi « Amoureuse-theutoise »
1 Maclotte : « Maclot’teux » dite aussi « Contredanse « La Maclotte-de-Theux » »
1 Passe-pied : « Double-passe-Pied-de-Theux » dit aussi « Passe-Pied du château de Franchimont »
En ce qui concerne les pas et les chorégraphies, il s’agit de ceux des contredanses de Stavelot.
Mais libre à vous de…
Sauf pour le milieu du Double Passe pied où j’ai installé une valse afin que les danseurs puissent, en couple, former une grande ronde (Ovale). Lorsque la musique de la valse s’arrête, les danseurs pour reprendre le déroulement de la danse se repositionnent là où ils se trouvent pour reformer le quadrille. Le tout est de bien se décaler si l’on se trouve sur les extrémités de l’Ovale.
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Nous savons que cette danse était la favorite des meilleurs danseurs et c’est pour cette raison que j’ai voulu innover afin que peut-être certains couples de danseurs ne se retrouvent pas avec leur vis-à-vis traditionnel.
L’histoire concernant cette valse « Valse des 50 ans » est particulière. En 1999, le « Réveil ardennais » m’avait demandé si pour leur 50° anniversaire, je voulais bien revenir danser avec eux. J’aurais été le premier à répondre présent. Et pour l’occasion, je leur ai créé une valse qui ressemble à celle du Double Passe-Pied.
Il y a maintenant deux Double Passe-Pied :
Double-Passe-Pied-de-Theux qui est l’originale
Double-Passe-Pied-de-Theux(VersionValse des 50 ans) qui est peut-être plus facile à danser (le pas est de Valse est nettement marqué).

Discographie

Bibliographie

 

Remerciements

Avec des remerciements tout particuliers à Jean-Pierre Wilmotte dont l’aide a été très efficace, et en remerciant également toute une série de personnes, dont je n’ai pas la liste complète, qui m’ont aidé en me donnant des infos, ou un avis, ou une copie de 33 tours, …

Citons donc en vrac : Pierrette Vens, Patrick Riez (tous deux Dapo Liège), Joseph Bonfond (Royale Compagnie Follklorique Fanny Thibout), Marinette Bonnert, Remy Dubois, Roger Hourant, Michel Lambert (le Réveil Ardennais), Julien Maréchal (projet Melchior), Bernard Vanderheyden, Aurélie Giet, Marc Malempré,,André Deru,, Jacqueline Servais, Ferd Dumont, (ancien secrétaire de l‘Uucht -LA Veillée) et Alice Helbach (secrétaire de ce même groupe), Hubert Boone.

Partitions et fichiers audio