Elle travaille pour le projet Melchior, joue de l’accordéon chromatique à clavier piano et chante d’une très belle voix. Elle fait partie du groupe La Rawette qui a fait danser le public du festival de Marsinne avec les explications de Marinette Bonnert. Était-ce un signe qu’on s’orienterait vers un bal wallon ? Ce serait aller un peu vite en besogne, même si l’idée était bien là. Le bal a recueilli un beau succès – malgré quelques paresseux qui n’aiment pas apprendre de « nouvelles » danses. La Rawette offre des arrangements inédits et est quasiment prête à partir à l’assaut des scènes autres que wallonnes. Le Canard Folk soutient ce groupe prometteur !

Marc Bauduin

Ce qui est peu habituel, c’est de voir en bal une majorité d’airs traditionnels habillés par des paroles d’une autre chanson (pas forcément folk). Vous avez commencé dès le début avec cet objectif ? Vous ne craignez pas d’adoucir la rythmique en poussant à faire attention aux textes ?

En fait nous n’ajoutons pas de paroles sur des mélodies, ce sont les paroles et mélodies originales. Notre objectif de départ était d’animer des bals folk uniquement avec des airs et chansons issues des répertoires traditionnels de Wallonie. Cela comprend donc des airs à danser (polkas, scottishs, anglaises, passepieds…) -que nous trouvons dans les manuscrits de ménétriers wallons (merci Le Troubadour Wallon!) ou encore sur la plateforme Melchior- mais aussi des chansons.

Ces chansons, nous les trouvons soit dans des recueils comme le recueil de Cramignons liégeois, soit sur le site de Melchior ou encore dans des vieilles revues Wallonia. Quand on tombe sur une chouette chanson qui nous parle, nous essayons de trouver une danse qui pourrait bien se mettre sur les impulsions de la mélodie de cette chanson qui, souvent, n’est pas au départ faite pour être dansée.

C’est là que l’arrangement entre en jeu pour rendre cette mélodie dansable. Parfois nous « trichons » un peu, comme une chanson au départ en 3 temps que nous avons transformée en valse à 5 temps, ou encore un cramignon en 5 phrases où on ne répète pas la phrase du refrain pour que la mélodie comprenne 4 phrases et se cale bien sur une gigue ou un cercle.

Mais nous essayons de rester bien soucieux de la bonne dansabilité des mélodies que nous reprenons et des arrangements qui vont avec. C’est aussi pour cela que nous aimons avoir l’avis extérieur de danseurs confirmés et pour nous, travailler avec des gens comme Marinette Bonnert comme cela a été le cas à Marsinne, c’est aussi une belle opportunité d’avoir un retour critique sur notre répertoire et nos arrangements.

Ce n’est pas trop dur de chanter tout en jouant de l’accordéon ? Comment as-tu débuté en chant ?

Alors au départ, le chant c’était pas du tout mon truc. Mais vers 2019, avec le projet Melchior et un peu après les sessions wallonnes qui ont commencé à Namur, j’ai découvert tout un répertoire qui m’a parlé et j’ai commencé à « chantonner ». D’abord dans un contexte plus décontracté des sessions. Puis un jour il y a eu un déclic, j’ai eu envie de mettre ces chansons à l’honneur, de faire danser les gens dessus et c’est comme cela que la Rawette est née. Alors au début, j’avais une fâcheuse tendance à chanter nos chansons dans des tonalités assez basses, car cela me rassurait. Mais c’était trop grave, on m’a d’ailleurs plusieurs fois fait la remarque. On a donc dû transposer pas mal de nos arrangements au fur et à mesure que je prenais confiance en ma pratique vocale. Martin et Lucas se sont heureusement montrés patients et compréhensifs…

Chanter en m’accompagnant à l’accordéon ou en doublant la mélodie, cela ne m’a jamais paru compliqué. Heureusement, car beaucoup de ma concentration passe dans la maîtrise vocale. Ce qui est plus complexe, c’est de chanter une mélodie en jouant une seconde voix à l’accordéon. Ma voix ne doit pas se laisser influencer par ce que je joue à la main droite. Ca, ça me demande plus de travail.

J’ai une formation de pianiste que j’ai acquise à l’académie. Dès mes 8 ans, j’ai fait partie d’un ensemble « de bouche à oreille » à l’académie d’Eghezée, où l’on ne jouait que des musiques traditionnelles apprises d’oreille. Une année, comme nous étions trop de pianistes dans le groupe, mon papa, Marc Maréchal, qui s’occupait de cet ensemble, m’a mis un petit accordéon chromatique à clavier dans les mains. C’est là que j’ai commencé.

D’abord juste des mélodies puis très vite la main gauche s’est ajoutée. Cette expérience, qui a duré 10 ans, a été déterminante pour ma pratique. Mon amour pour les musiques traditionnelles, pour les bals folk, pour la musique en groupe et la facilité que j’ai à apprendre une mélodie sans partition et à y ajouter les harmonies, c’est à mon papa et à ce groupe que je le dois.

En académie ou au conservatoire, la formation est souvent centrée sur la musique dite « classique ». Mais ce qui m’a donné envie de faire de la musique, c’est cette ouverture à une « autre musique » et le fait de donner un sens à la pratique. Le trad, pour moi, c’est synonyme de convivialité, de richesse, de rencontres, de bienveillance. Je me retrouve beaucoup plus dans ces musiques que dans la musique « classique ». Je ne pense pas que je jouerais encore beaucoup de musique si je n’avais pas fait partie de ce groupe pendant mon enfance.

Ton accordéon ne sonne pas comme les autres chromatiques, on est loin d’une ambiance musette. Comment expliques-tu cela ? Et comment as-tu choisi ce modèle-là ?

Mon accordéon actuel, on me l’a donné dans le cadre de la pratique en groupe « de bouche à oreille » à l’académie. Je ne l’ai pas choisi et je l’ai depuis plus de 20 ans.

Je crois que c’est plutôt mon jeu qui le fait sonner différemment. Je ne suis pas très friande du musette et j’écoute beaucoup d’accordéon diatonique. J’aime le côté détaché et très articulé sur diato et je pense qu’inconsciemment cela influence mon jeu. J’utilise aussi presque qu’exclusivement les jeux où l’accord des anches sonne plus diato que musette.

Vos arrangements, parlons-en, ils semblent bien personnels. Qu’est-ce qui les influence ?

Lucas a fait des études supérieures en flûte traversière, il a donc une formation classique mais est également passionné par la musique irlandaise et les musiques traditionnelles en général.

Martin a étudié la contrebasse jazz au conservatoire de Bruxelles et a aussi écouté énormément de musiques qui en découlent, comme la soul par exemple mais aussi de Ska ou de rap. Cela se ressent dans les impulsions qu’il donne dans nos arrangements mais aussi dans certaines harmonies. Il aime nous faire sortir du côté très tonal et carré de la musique wallonne. Et j’aime beaucoup ça dans la réinterprétation de la musique traditionnelle en général.

J’aime les groupes qui apportent une touche actuelle, mêlant plein d’influences, tout en gardant le plus possible un encrage avec la tradition, afin de ne pas trop dénaturer le répertoire. Un vrai défi !  Je trouve qu’une des richesses de notre trio, ce sont les horizons différents.

Comment appelez-vous le genre de bal que vous proposez ? (bal folk complété par des danses anglaises, wallonnes… ?) Êtes-vous tentés d’aller jouer en Flandre, en France… ?

On propose finalement des bals folk assez classiques. Pas trop le choix de proposer des danses non wallonnes, les gens les dansent et aiment les danser donc c’est compliqué de passer à côté. Et puis finalement, pourquoi ne pas danser un Andro tout en chantant un Cramignon Liégeois? Où un cercle sur une contredanse ardennaise?

Par contre, nous avons à cœur d’intégrer à nos bals le plus de danses wallonnes possibles. La Steinbach est de plus en plus connue et c’est très chouette. Les anglaises (Li Tcheron) également. Nous aimerions faire danser aussi les « petites danses » ardennaises (maclotte, passepieds…). Ça c’est un plus gros chantier, sur lequel heureusement nous ne sommes pas seuls, mais qui nous est cher.

A Marsinne, Marinette a appris aux danseurs un Passe-pied, les retours étaient très positifs. Plus on prendra le temps de les apprendre en bal, plus les gens les auront dans les jambes et on pourra réintégrer plus systématiquement ces danses plus complexes mais très riches et surtout wallonnes dans les bals folks.

Nous serions très contents d’aller jouer en Flandre, à Bruxelles ou ailleurs qu’en Belgique. Je crois que les répertoires wallons sont assez appréciés en dehors de la Wallonie, notamment en France. Mais nous n’en sommes qu’à nos débuts donc nous ne sommes pas encore très connus dans le milieu, je pense. Les premières années, c’est normal de faire ses armes « à la maison ». Mais maintenant, je pense que nous sommes prêts à nous exporter!

Quels sont vos projets ? un cd, l’achat d’une sono… ?

L’idée d’un CD avec la Rawette me trotte dans la tête. c’est un beau projet et ça permet souvent de donner un bon coup d’accélérateur et de se faire connaître. Puis cela permet aussi de pousser le travail plus loin, de roder un répertoire, donc pourquoi pas. Nous avons la chance de nous amuser avec un répertoire peu utilisé, c’est aussi une bonne raison.  A suivre, donc !

www.facebook.com/larawettebal