Je n’ai de leçon à donner à personne. Je ne suis pas musicien. Je ne suis pas plus vigneron, ce qui ne m’empêche pas d’avoir un avis sur le vin coulant de mon verre dans ma bouche. C’est que je suis consommateur … de vin et de musique folk. Une heureuse évolution de la société (mais oui, il y en a !) est de permettre au consommateur de s’exprimer. Dommage d’ailleurs que notre « Canard » ne serve pas plus souvent de moyen de nos expressions. Il ne nous coupe pourtant pas les « ailes » et nous incite souvent à agiter nos « plumes » avec et contre vents et marées du paysage folk.
Long préambule pour développer une opinion personnelle et « cancanesque », donc partiale et partielle, au sujet des concerts, bals et groupes qui enchantent nos oreilles. Vous ne trouverez ni « top 10 » de la saison, ni même une appréciation musicale de nos artistes préférés
Nous disposons au Sud comme au Nord de musiciens de qualité, qu’ils soient amateurs ou professionnels (je ne ravive pas cette polémique stérile). Mais il ne suffit pas d’être bon musicien pour « accrocher » le public, surtout quand ce public est occasionnel ou festif. La chance d’une audience élargie de notre folk et de celui que nous importons pour la plus grande richess de la diversité culturelle, tient aussi du « spectacle ». Les acteurs de la « pièce » (comme disent les amis québécois), outre leurs qualités d’instrumentistes, de répertoire, d’innovation ou de création, doivent faire « passer » ce qu’ils jouent. Et il y a des petits et des grands moyens.
Je me permets donc de passer en revue quelques points sur lesquels l’un ou l’autre effort ou prise de conscience pourrait être utile pour atteindre une prestation plus communicante.
L’entrée en scène : après les inévitables balances dont le public pourrait être dispensé si les timings étaient respectés, une entrée nette et groupée peut d’emblée créer le contact avec le public (geste, salut, sourire). Pas des musiciens qui arrivent selon leur propre gré, achevant en scène leur clope ou leur chope ou appelant l’un des leurs au micro. Parfois on ne voit pas la différence entre la dernière balance et le premier morceau. Un jeu d’éclairage peut être utile. La décontraction, on aime, mais il y a des marges.
La tenue : nous ne sommes ni à la philharmonique en « noeuds papillon », ni à la fanfare en uniforme et le folk se conjugue bien avec la diversité vestimentaire, mais un ensemble agréable à la vue, c’est pas négligeable.
Une « autre tenue », c’est celle du musicien qui ne fait rien pendant un temps ou un morceau. C’est une des pires difficultés du théâtre et de la mise en scène : être présent sans être actif ! Je ne donne ni conseil, ni attitude, mais y songer avant et pendant le spectacle, ça vaut la peine; un oeil extérieur, à défaut d’un metteur en scène, peut y pallier (idem pour les groupes chorégraphiques).
La sono : la meilleure sono est celle qui se fait oublier à l’oreille et à la vue, non pas au moment de la présentation des acteurs, mais avant et pendant le concert. On ne peut plus y échapper : le temps des ménétriers et de la musique acoustique semble révolu ! Les instruments doivent s’équilibrer ! Le public doit entendre ! D’accord ! Mais les décibels excédentaires détruisent la musique et le plaisir d’écouter, donc la sonorisation doit rester au service des notes. Lors de la dernière fête de la musique (sic !), nous étions quelques amis à écouter la réalité d’une affiche prometteuse. Il nous a fallu reculer à 150 mètres du podium pour pouvoir nous parler et là encore les basses nous taraudaient le ventre comme échappées du métro dessous nous !
On hausse tellement le son que les musiciens demandent plus de retours et la spirale de cette solution par l’absurde s’amorce. Peut-être aussi la sonorisation est-elle un métier et mérite-t-elle d’être apprise comme la musique ou la mise en scène.
La complicité : quelle satisfaction pour lé public de voir des musiciens complices de leur jeu, complices des reprises (à ne pas confondre avec les appels désespérés qui invitent l’autre à attaquer son intervention), complices du solo (d’un autre), complices du public qui manifeste sa participation (eh oui ! ça arrive aussi), etc.
La maturité : chaque groupe a hâte de se produire, normal ! et il faut des bancs d’essai. Mais le travail préliminaire ne peut être bâclé. Jouer ensemble, mais aussi varier les morceaux, les instruments. Sinon, ça ressemble à une petite poésie de maternelle où on évite trop de strophes pour la facilité de l’élève. Vite ennuyeux ! Autre écueil assez fréquent : le choix et l’exécution de l’attaque et de la finale du morceau (queues de poisson à la poubelle !)
Relation avec le public : il est évident que l’humour court et bien choisi plaît au public, que quelques explications ou une introduction au morceau sont utiles et demandées (pas toujours écoutées, mais le procès des spectateurs est une autre histoire, à écrire par les musiciens). Une anecdote à ce propos ou à celui du groupe peut être la bienvenue. Mais foin du bavard de service qui croit utile d’assener sa connaissance musicologique ou historique (trop is te veel !). Je trouve par contre assez élégant de citer le compositeur quand on est hors du domaine public, et surtout quand il est étranger au groupe.
Bien sûr, cette relation orale au-cours du spectacle doit être pensée, jouée et audible. Il vaut mieux s’abstenir que de se pencher vers le premier micro venu pour marmonner une inintelligible introduction. On peut aussi capter l’attention au moyen d’un geste, mouvement ou gag (?). L’imagination ne se borne pas aux notes.
Et en bal ? Annoncer clairement la danse … peut-être son nom et la suggestion de la mise en place permettraient-ils aux danseurs de se retrouver et de se grouper pour une bourrée à quatre par exemple; là aussi complicité.
Pour beaucoup de points soulevés, il reste à lutter contre l’habitude. C’est évidemment pas marrant de reproduire le scénario des tas de fois, même si le public se renouvelle à chaque prestation. Lui, il a droit à chaque fois à la même qualité et à la même présence. C’est la loi même de la scène.
Merci à vous, amis musiciens, continuez à nous « emmusiquer », mais si vous le pouvez et le voulez, soyez exigeants du spectacle.
Le Prof’âne, alias Bob
Bob Vandervorst
Paru dans le Canard Folk en février 2000 (n°190)