Ce 31 décembre à minuit, la société Radionomy cessera ses activités.
Pourquoi ? Elle ne le dit pas, mais on peut facilement imaginer le manque de rentabilité d’un projet qui misait sur les recettes publicitaires involontairement générées par un grand nombre de radios qui ne payaient, rien, zéro, schnoll pour diffuser leur programme 24h sur 24, 7 jours sur 7.
Depuis plusieurs mois, les annonces publicitaires trois fois par heure ne changent qu très peu, illustrant la difficulté de trouver des annonceurs.
Avant cela, le nombre maximum de morceaux qu’un producteur de webradio(s) peut charger sur les serveurs de Radionomy est passé de 5000 à 3000, ce qui est insuffisant pour avoir une relativement bonne diversité dans un programme généré aléatoirement.
“Aléatoirement” … façon de parler, bien sûr, puisque l’aléatoire n’existe pas en informatique. Il y a pourtant moyen d’améliorer cela, par exemple en introduisant la date et l’heure à la mllliseconde près dans l’algorithme de sélection d’un titre dans un bac. Nous avons essayé d’attirer l’attention de Radionomy sur ce problème, sans succès. Conséquence : on a parfois l’impression d’entendre les mêmes artistes trop souvent.
Autre échec de Radionomy : n’avoir pas su prévoir et contourner le protectionnisme américain, à tel point qu’il a fallu stopper la diffusiion des webradios de Radionomy aux USA … alors que les auditeurs américains étaient parmi les plus nombreux dans le public de TradCan. Par exemple, pour le mois de novembre 2016, le total de plus de 11.000 heures d’écoute se répartissait en 2.860h pour la France, 2.460h pour les USA, 2.060h pour l’Allemagne, 1.060h pour la Belgique, puis étonnamment la Chine avec 650h, les Pays-Bas et la Gande-Bretagne quasi 500h, puis le Canada, l’Italie, la Suède, l’Espagne et une série d’autres pays. La disparition des auditeurs nord-américains a donc sérieusement diminué le volume d’écoute de TradCan, et probablement aussi celui de Radionomy.
Un manque de maîtrise technique se remarque également, peut-être dû à une absence de volonté d’y mettre les moyens nécessaires – c’est que la technique est chère, et qu’il n’est sans doute pas facile de faire communiquer entre eux les différents composants logiciels. Les blancs, que ce soit des microcoupures ou des interruptions plus longues, étaient fréquents.
Un autre grief, plus étonnant celui-là, se rapporte à la naïveté avec laquelle des modifications sauvages de noms d’interprètes et de titres de vos morceaux ont eu lieu sans même vous avertir. C’est comme si Radionomy avait pris le premier logiciel gratuit venu, sans le tester. Ainsi, les cd de compilation d’une firme de disques ne connaissaient soudain plus qu’un seul groupe appelé “Various Artists”. Ainsi aussi, les morceaux inconnus de la base de données utilisée par le logiciel devenaient des âneries d’un autre genre musical que le folk. La levée de boucliers chez les producteurs de webradios a été telle que Radionomy a fini par abandonner cette pratique.
Radionomy avait aussi du bon, bien sûr, prodigant des conseils aux producteurs, et interviewant certains d’entre eux. TradCan en a bénéficié et a pu constater un net regain d’audience suite à cette mise en avant.
Du côté des coûts, Radionomy se chargeait non seulement du matériel informatique et des logiciels, mais aussi des droits d’auteurs dans le monde entier par un accord avec la Sabam.
Or donc, Radionomy propose désormais aux webradios de migrer gratuitement vers sa société sœur Shoutcast avec un an d’abonnement gratuit. On ne sait pas combien ça coûtera après un an. Et les droits d’auteurs ne sont pas couverts.
Et combien demande la Sabam pour les droits d’auteur ? Pour les webradios « de petite taille » (max 25 auditeurs simultanés), environ 860 € + 6% tva si on émet en permanence (24×7 = 168 heures/semaine). Si on émet moins d’heures par semaine, le prix diminue proportionnellement. TradCan émet 168h/sem mais pourrait émettre moins (par exemple en évitant la plage horaire 01h – 6h) … par contre, il n’est pas rare d’avoir plus de 30 auditeurs en même temps.
Et pour les droits voisins (les droits des interprètes, des producteurs … sur la musique enregistrée) ? La société Simim réclame environ 570 € + 6% tva pour max 25 auditeurs simultanés.
Donc, droits d’auteurs + droits voisins = plus de 1500 euros par an …en Belgique ! Impayable bien sûr, à moins de nous lancer dans une chasse aux annonceurs publicitaires, ce qui n’est vraiment pas notre tasse de thé !
TradCan va donc s’éteindre pendant au moins quelques mois, le temps d’examiner des solutions alternatives. Par exemple, on dit que les droits d’auteurs seraient moins chers à la Sacem française qu’à la Sabam. Si un partenaire établi en France est intéressé, ou si TradCan déménage en France d’une manière ou d’une autre, les frais deviendraient-ils supportables ? Nous allons voir … et de toute façon, on est déjà très heureux d’avoir pu générer plus de 735.000 heures d’écoute depuis le 23/9/2008, et d’avoir fait découvrir quelque 8.600 morceaux !
Marc Bauduin