C’était au détour d’un automne ensoleillé, qui avait poursuivi sans interruption la production de savoureuses framboises dans les jardins, qu’on avait remarqué distraitement, quelque peu noyées dans la flopée de notifications Facebook aux trois quarts inutiles, des annonces de concerts d’un groupe peu connu : Polk Trio. Peut-être des Polonais qui, dans leurs photos pour la presse, jouent aux marionnettes de couleurs pastel ?
Redescendons sur terre : les concerts de Polk Trio se multiplient, et il suffit de quelques clics pour voir que c‘est Yves Barbieux qui est à la barre. Yves Barbieux, celui qui a créé Urban Trad en 2000 et qui l’a mené à un doigt de la victoire de l’Eurovision. Qui avait comme accordéoniste d’abord Didier Laloy, ensuite Sophie Cavez. Qui a fait appel avec succès et originalité aux voix galiciennes de Ialma et qui a provisoirement clos l’histoire d’Urban Trad en 2012. Et depuis ? Ben, suffit de le lui demander …
Marc Bauduin
Q : Depuis la fin provisoire d’Urban Trad en 2012, on n’a plus guère entendu parler de toi dans le milieu folk. Quelles ont été tes principales activités ?
R : J’ai été fort actif dans le projet jeune public avec surtout les Déménageurs, qui sont aussi en partie folk (avec cornemuse, flûte et accordéon). A un moment je n’ai plus eu envie de remonter sur scène, composer me suffisait. Je me sens d’ailleurs avant tout un compositeur.
Mais j’ai aussi continué à me former à la vidéo, à la pratiquer pour d’autres et pour moi-même. J’ai fait un dessin animé.
Q : Qu’est-ce qui t’a poussé à fonder Polk Trio ?
R : Comme beaucoup d’autres musiciens, des idées ont germé pendant le confinement. Je voulais combiner vidéo et musique, je voulais composer, tout faire moi-même. Puis j’ai eu envie de remonter sur scène et de travailler avec Jonathan et Steve. Je ne me suis pas dit « je veux un accordéon et une guitare avec telles caractéristiques » : je connaissais Jonathan qui était aussi dans les Déménageurs ; et j’avais rencontré Steve deux ou trois fois. C’est un guitariste qui joue uniquement en picking, avec des plectres, et son banjo oscille entre accompagnement et mélodies.
Q : La musique de Polk Trio contiendra-t-elle (quasi) uniquement tes compositions (y compris des reprises comme Vodka Time) ou aussi des traditionnels et des compos d’autres personnes ?
R : Uniquement mes compositions. Je suis venu avec un stock de 16 morceaux dès le départ – je me sens compositeur avant tout – plus quelques reprises. Je crois qu’il y en a trois d’Urban Trad et deux de Coïncidence. Mais je suis « un bon chef de projet », disent mes collègues, et nous faisons les arrangements à trois.
Q : Ta musique reste-t-elle surtout celtique, dans la lignée d’Urban Trad, et uniquement instrumentale ? Ou prévois-tu aussi des chants galiciens ?
R : C’est fort celtique en effet, et c’est surtout une musique « feels good », une musique pêchue, festive, qui amène les sourires, qui est plus dans les modes majeurs que mineurs bien que les musiciens trouvent le mineur souvent plus satisfaisant. Dans ce sens, c’est dans la lignée d’Urban Trad. Quelqu’un a dit un jour « c’est de la musique populaire de qualité », ça m’a plu car je veux que cela reste accessible au plus grand nombre.
Mais cela restera instrumental, car c’est ainsi plus internationalisable. Pas de chant, et en particulier pas de chant galicien.
Q : Quels sont les instruments utilisés dans Polk Trio ?
R : Sur scène, Jonathan joue de l’accordéon diatonique et Steve de la guitare et du banjo. Je joue de la flûte irlandaise, de la flûte à bec et de la cornemuse. Au départ c’est une gaita, mais je me suis mis à la cornemuse électronique Red Pipes car elle me permet d’opérer des changements beaucoup plus rapidement.
Puis, nous avons l’équivalent d’un musicien supplémentaire grâce au grand écran. Ce n’est pas un écran géant, disons qu’il prend la même place qu’une batterie. On y voit l’un de nous trois qui joue d’un instrument comme le piano, les percussions, la cornemuse …
Le cd : On a good day (RA0922)
Cela commence par un low whistle nostalgique qui cède vite la place à la bonne humeur, car c’est la marque de fabrique du groupe qui, dans les vidéos online, se manifeste par trois grands sourires, des casquettes et costumes assortis, et des mouvements impulsés par leur musique qui ne manqueront pas de se transmettre au public. Il n’y a guère qu’une polska qui soit au début un peu sombre ; le reste est à l’image de la reprise “Vodka time” d’Urban Trad, enthousiasmante et pétante à souhait. Very fun, excellent – arrêtons le bla-bla, et en piste !
(article paru dans le Canard Folk de novembre 2022)